ENLUMINURE
Les enlumineurs
On fit appel, dans l'Antiquité classique, à des peintres célèbres pour exécuter les portraits d'écrivains, et l'on ne peut guère parler d'ateliers d'enlumineurs avant le Bas-Empire : ces ateliers romains ou provinciaux travaillaient indifféremment pour les païens et les chrétiens. Du vie au xiie siècle, la fabrication des manuscrits fut essentiellement une activité monastique. Le nom d'illuminator fut peu employé avant l'époque gothique, et c'est plutôt celui de pictor que l'on rencontre, par opposition au scriptor ; ce dernier calligraphiait le texte et a peut-être joui d'une plus grande considération que le pictor, car il est bien souvent le seul à être mentionné par le colophon. Il est possible que pictor et scriptor aient été un seul et même personnage, mais la réalité est plus complexe : pour un même ouvrage, il n'est pas rare d'avoir plusieurs scriptores dont un seul était peintre. D'autre part, les peintres ne restaient pas toujours dans le même monastère : ainsi Liuthard, protégé de Charles le Chauve, à la fois peintre et copiste, semble avoir exercé son art dans plusieurs abbayes ; au xie siècle, Albert de Trèves fut appelé à Cluny pour tenter de redonner un peu de lustre au scriptorium bourguignon. Il existait enfin des enlumineurs vivant en dehors de la règle monastique bien avant l'époque gothique. Citons le Lombard Nivardus que Gauzelin, abbé de Fleury, fit travailler pour son couvent, et le peintre laïque Foulque qui, à la fin du xie siècle, fut au service de l'abbé de Saint-Aubin d'Angers. Le lien entre les enlumineurs et les fresquistes reste encore à préciser ; il est vraisemblable que, dans plusieurs cas, les peintres de manuscrits furent aussi les auteurs de peintures murales. À l'époque gothique, l'apparition d'une clientèle nouvelle entraîna un changement de la condition des enlumineurs. Les livres destinés à de riches laïques furent désormais enluminés dans des ateliers où une équipe de peintres était dirigée par un maître en renom. L'activité de ces ateliers s'étendit rapidement à la peinture des statues, des ivoires et surtout des tableaux. Ces conditions expliquent en partie l'emprise de plus en plus forte de la peinture autonome sur le décor des manuscrits et la transformation de la conception de l'art de l'enluminure au xve siècle.
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Écrit par
- Danielle GABORIT-CHOPIN : conservateur au département des Objets d'art du musée du Louvre
- Eric PALAZZO : directeur du Centre d'études supérieures de civilisation médiévale à l'université de Poitiers
Classification
Médias
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