ENLUMINURE
Évolution de l'enluminure en Occident
Antiquité et Bas-Empire
L'art de l'enluminure remonte à l'Égypte antique, qui en fournit les plus anciens témoignages (rouleaux des morts). Les Grecs et les Romains possédaient des ouvrages illustrés ; dans les textes littéraires, des lettrines peintes, parfois au milieu d'un mot, servaient de point de repère dans les colonnes du texte, mais il est peut-être abusif d'y voir l'origine des lettres ornées. L'abandon du volumen au profit du codex marque un tournant important, car le décor s'ordonne désormais dans une page. Aux ive et ve siècles, les enluminures attestent la survivance de la peinture illusionniste classique ; elles la transmettront aux Byzantins et aux Carolingiens, qui la copièrent fidèlement. Il reste peu d'originaux de cette période : le Vergilius Vaticanus (Vatican, ms. lat. 3225) montre encore des effets de perspective et des fonds d'architectures, alors que, dans le Vergilius Romanus, les personnages sont raides et figés et toute perspective est abandonnée (Vatican, lat. 3867). Il faut aussi mentionner la bible disparue, rédigée en 440 pour Léon le Grand, laquelle joua un rôle important dans la formation du style de l'école de Tours, au ixe siècle. Au vie siècle, l'enluminure prend un caractère nettement chrétien (Premiers Canons de concordance, Vatican, lat. 3806). Dans les Évangiles de Cambridge (Corpus Christi coll., cod. 286), la représentation de l'évangéliste Luc servit de modèle aux enlumineurs du viiie siècle. Le Pentateuque d'Ashburnam (Bibl. nat., lat. 2334) tranche sur ces œuvres par la violence de ses couleurs ; il proviendrait d'un atelier d'Espagne ou d'Afrique du Nord, ou plutôt d'un atelier romain. De ces enluminures sont sorties, avec des fortunes diverses, les peintures byzantines et carolingiennes.
Enluminure byzantine
Les Byzantins héritèrent des traditions antiques, classiques et hellénistiques, et juives ; l'illustration des manuscrits fut donc un commentaire de textes religieux par des scènes figurées, laissant peu de place à l'ornementation. Au vie siècle, le nombre des centres artistiques (Constantinople, Antioche, Alexandrie) explique la diversité des styles (Genèse de Vienne, Évangiles à fond pourpre de Rossano). Après la période iconoclaste (725-843), la « renaissance macédonienne » consacra l'hégémonie de Byzance en matière de décoration de manuscrits ; le style classicisant est manifeste dans le Psautier de Paris (Bibl. nat., gr. 139) ou dans les Homélies de Grégoire de Nazianze, manuscrit qui appartint à Basile Ier (Bibl. nat., gr. 510), alors qu'au xe siècle apparaît une peinture vive et maniériste, d'inspiration hellénistique (Ménologe de Basile II ; Theriaca de Nicandre, Bibl. nat., suppl. gr. 247). La légèreté du dessin qui persiste aux xie et xiie siècles s'accompagne d'un retour aux fonds dorés ; les portraits impériaux des frontispices témoignent de l'art aristocratique de cette période, alors que les psautiers à illustrations marginales sont d'origine monastique (Homélies de saint Jean Chrysostome, Bibl. nat., Coisl. 79 ; Psautiers de Bristol, de Moscou, de Baltimore). La conquête de Byzance, en 1204, puis la reprise en main de l'Empire par les Paléologues ne troublèrent pas le travail des peintres, qui s'orientèrent vers un style narratif, tempéré par un retour aux modèles classiques (Homélies sur la Vierge, Bibl. nat., gr. 1208). Mais, malgré la vigueur des traditions, l'influence occidentale finit par étouffer l'originalité de la peinture byzantine. Cependant, les contacts qui s'étaient établis antérieurement entre l'art byzantin et l'art occidental sont loin d'être négligeables : si les scriptoria ottoniens assurèrent la diffusion à l'ouest des techniques[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Danielle GABORIT-CHOPIN : conservateur au département des Objets d'art du musée du Louvre
- Eric PALAZZO : directeur du Centre d'études supérieures de civilisation médiévale à l'université de Poitiers
Classification
Médias
Autres références
-
‘ABD-ŪS-SAMAD (XIVe s.)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 313 mots
Peintre persan du xive siècle, fondateur avec Mīr Sayyid ‘Alī de l'école de peinture moghole en Inde.
Né en Perse au sein d'une famille aisée, ‘Abd-ūs-Samad est déjà un calligraphe et peintre de renom lorsqu'il rencontre l'empereur moghol Humāyūn, en exil en Perse. Ce dernier l'invite...
-
AIX-LA-CHAPELLE, histoire de l'art et archéologie
- Écrit par Noureddine MEZOUGHI
- 1 001 mots
- 2 médias
Aix connut son apogée quand Charlemagne s'y installa définitivement, en 794. Il entreprit alors la construction d'un vaste palais sur un plan régulier imité de l'Antiquité romaine. L'ensemble a malheureusement disparu, à l'exception de la célèbre chapelle...
-
ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Peinture
- Écrit par Jacques CARRÉ et Barthélémy JOBERT
- 8 176 mots
- 12 médias
... siècle a complété cette œuvre destructrice. Pour avoir une idée de l'art pictural britannique à cette époque, on doit donc se reporter à l'enluminure de manuscrits, dont on sait qu'elle était souvent très proche par le style de la peinture religieuse. Ce travail de décoration... -
ANGLO-SAXON ART
- Écrit par Patrick PÉRIN
- 5 131 mots
- 4 médias
L'enluminure des livres religieux est sans doute l'expression la plus spectaculaire et la plus connue de l'art anglo-saxon, son remarquable essor ayant été suscité par le dynamisme de la jeune Église insulaire. Comme sir David Wilson, l'un des meilleurs spécialistes de la question, l'a proposé,... - Afficher les 69 références