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MIRALLES ENRIC (1955-2000)

L'architecte catalan Enric Miralles est mort le 22 août 2000 à Barcelone, âgé de quarante-cinq ans, alors qu'il entreprenait des projets décisifs. Né à Barcelone en 1955, Enric Miralles est diplômé d'architecture de l'E.T.S.A.B. en 1978. Mais il a commencé sa carrière dès 1975 dans l'agence d'Albert Viaplana et Helio Piñon. Ces architectes introduisent alors à Barcelone les doctrines internationales, depuis le minimalisme des années 1980 jusqu'au déconstructivisme qui surviendra dix ans plus tard et trouvera à Barcelone une interprétation plus féconde qu'ailleurs, du fait de sa résonance avec la part expressionniste et... constructiviste d'une ville qui n'a jamais oublié Antonio Gaudí. Enric Miralles est étroitement associé, au cours des années 1980, aux projets de l'agence. Son rôle dans la conception du réaménagement de la place des Pays-Catalans à Barcelone, une des œuvres les plus importantes de Piñon et Viaplana, a toujours été reconnu par les deux architectes.

Enric Miralles crée son agence avec Carme Pinós en 1983. Il a hérité, avec ou sans « dé », du constructivisme de Piñon et Viaplana et va l'utiliser pour renouer profondément avec une architecture de l'émotion, de la poésie. Ses projets conjuguent en effet la liberté de la composition et de la plastique avec une tectonique puissante, même (et surtout) si elle fuit l'orthogonalité. Son œuvre principale restera de ce point de vue le cimetière d'Igualada achevé en 1995, qui a trouvé à Barcelone un créateur à sa mesure, comme le cimetière Brion Vega à San Vito di Altivole dans la province de Trévise par Carlo Scarpa ou celui de Modène par Aldo Rossi.

D'autres projets suivront – club de tir à l'arc pour les jeux Olympiques de Barcelone (1992), centre culturel d'Hostalets, Catalogne (1993). Ces réalisations accentuent le trait d'une architecture à la recherche d'expressivité, ne se limitant pas à une stricte adéquation au programme et fuyant les régularités pour proposer la vision d'une modernité à la fois séduisante et heurtée. Toutes sont servies par un sens de la construction, de la tension des formes qui scénographie les espaces et donne un véritable crédit à l'approche poétique, voire lyrique, de Miralles, au moment précis où le débat architectural européen oscille entre sophistication minimale et sobriété néo-rationnelle.

Enric Miralles s'associe avec Bedenetta Tagliabue en 1992, alors qu'une première reconnaissance internationale lui ouvre les portes des grands concours d'architecture européens. Il franchit ce passage avec aisance car son architecture, si elle s'est affirmée à Barcelone, en puisant aux sources catalanes, s'est cependant toujours affranchie d'une affirmation régionaliste qui en aurait limité la capacité.

Les projets d'Enric Miralles s'inscrivent dès lors sur la carte du continent et ponctuent le voyage européen d'un créateur : à chaque halte, celui-ci redécouvre la richesse des villes, leur culture, leur géographie, pour nourrir sa recherche d'une architecture qui transforme le procès de leur modernisation en une véritable histoire, riche de conflits, d'espoirs, de visions.

Cette position est singulière, aussi éloignée du dandysme des tenants du chaos urbain, fascinés par la beauté d'une « métropolisation » galopante, que du cynisme d'une architecture néo-internationale qui, prenant acte du même phénomène, affirme partout où elle est à l'œuvre la prééminence d'une culture mondialisée. Cette position est un acte de foi dans la mission philosophique, civilisatrice de l'architecture. Enric Miralles pratique en effet l'architecture comme un art resté majeur, servi par des créateurs qui ne doivent renoncer à aucune de leurs missions : depuis la capacité visionnaire jusqu'à une compréhension[...]

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