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CARUSO ENRICO (1873-1921)

Un artiste moderne

Énumérer les étapes de la gigantesque carrière de Caruso serait lassant tant il a chanté, beaucoup et partout, jusqu'à des séries de représentations dans la Plaza de toros de Mexico devant 22 000 spectateurs, enchaînant des tournées parfois exténuantes (ou risquées, comme celle à Cuba où, durant une représentation d'Aïda, il échappe à un attentat anarchiste) et des enregistrements de disques répétés (234 airs ou mélodies gravés pour la compagnie Victor). Le 3 décembre 1920, il est blessé par un élément de décor lors d'une représentation de Samson et Dalila de Saint-Saëns au Met ; il ne se remettra pas de cet accident – il apparaît pour la dernière fois sur scène, au Met, le 24 décembre 1920, dans une de ses plus célèbres incarnations, Éléazar dans La Juive de Jacques Fromental Halévy –, et c'est à Naples qu'il reviendra pour y mourir, le 2 août 1921, d'un abcès pleuro-pulmonaire ; il n'avait que quarante-huit ans.

À ses débuts, Caruso se montre peu à l'aise dans le haut du registre, et sa voix se rapproche de celle d'un baryton. Mais il met rapidement à profit ce qui pouvait apparaître comme un défaut, alliant le timbre chaleureux du baryton à celui, plus brillant, du ténor, ce qui lui permettra de passer des inflexions les plus sensuelles aux accents les plus passionnés.

<em>Carmen,</em> de G. Bizet
 - crédits : D'après

Carmen, de G. Bizet

Son phrasé ainsi que sa parfaite maîtrise du legato et du portamento lui ont permis d'aborder un vaste répertoire, français – Le Prophète (Jean de Leyde), Faust (rôle-titre), Les Pêcheurs de perles (Nadir), Manon (Des Grieux), La Juive (Éléazar), Les Huguenots (Raoul de Nangis), L'Africaine (Vasco de Gama), Samson et Dalila (Samson), Carmen (Don José)... – et, bien entendu, italien : L'elisir d'amore (Nemorino), La Favorita (Fernando), Lucia di Lammermoor (Edgardo), Lucrezia Borgia (Gennaro), La Gioconda (Enzo), Manon Lescaut (Des Grieux), La Bohème (Rodolfo), Tosca (Cavaradossi), Madama Butterfly (Pinkerton), ainsi que tous les grands rôles verdiens – Rigoletto (le Duc de Mantoue), Il Trovatore (Manrico), La Traviata (Alfredo), Un Ballo in Maschera (Riccardo), La Forza del Destino (Don Alvaro), Aïda (Radamès)...

Les enregistrements de Caruso ont fait l'objet de nombreuses rééditions, d'abord en 33-tours, puis en CD, notamment sous la houlette de l'ingénieur Ward Marston, qui a procédé à un remarquable travail de restauration, d'abord pour la firme Pearl, au début des années 1990, puis pour Naxos. Caruso laisse le souvenir d'un chanteur exceptionnel, tant par la beauté intrinsèque de sa voix que par la richesse de ses interprétations très épurées et finalement très modernes, alliant la dimension théâtrale à l'attention au texte et à l'intelligence des rôles.

— Alain DUAULT

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Écrit par

  • : licence de lettres et sciences humaines, maîtrise de lettres modernes, concepteur et présentateur des émissions musicales classiques de France-3 et R.T.L.

Classification

Média

Enrico Caruso - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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