VILA-MATAS ENRIQUE (1948- )

Un art de l'imposture

De 1995 à 2002, Enrique Vila-Matas publie plusieurs romans : Lejos de Veracruz (1995, Loin de Veracruz), Extraña forma de vida (1997, Étrange Façon de vivre) marqué par la culture lusophone et qui se présente sous le signe des rapports entre littérature et espionnage, El viaje vertical (2000, Le Voyage vertical). Bartleby y compañía (2001, Bartleby et compagnie) fait écho à la célèbre nouvelle de Melville et développe pleinement l'un des thèmes de prédilection de l'auteur : l'écriture « en négatif » ou son silence, les affres de l'écrivain en mal d'inspiration. En 2002, Vila-Matas atteint la consécration avec El Mal de Montano (Le Mal de Montano), une œuvre majeure qui traite métaphoriquement de cette maladie de la littérature dont souffrent un père et un fils : le père qui ne peut appréhender le réel qu'à travers le prisme de la littérature dont il s'abreuve sans répit et le fils, un écrivain touché par l'agraphie littéraire, l'impossibilité à écrire, après s'être intéressé aux auteurs qui ont renoncé à l'écriture. Ce roman est une parfaite illustration du processus d'écriture de Vila-Matas qui, jouant de l'imposture, se plaît à brouiller les données du récit et à perturber l'instance narrative. L'ensemble de son œuvre nous révèle à quel point le néant, le vide, peut devenir sous sa plume matière littéraire, comme on le voit encore dans DoctorPasavento (2005, Docteur Pasavento).

Aux figures récurrentes de l'écrivain, du critique littéraire et du conférencier qui traversent ses romans vient s'ajouter, en 2010, celle de l'éditeur dans Dublinesca. Autant de mises en abyme de la littérature elle-même, que déclinent sous une autre forme Un air de Dylan (2012, Air de Dylan) et Kassel non invita a la lógica (2014, Impressions de Kassel).