Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ENTELOGNATHUS PRIMORDIALIS

Une remise en cause de l'histoire évolutive des vertébrés ?

La découverte d’Entelognathus primordialis viendrait invalider ces hypothèses et proposer un nouveau scénario évolutif pour l'origine des gnathostomes. Le site fossilifère de Chine ayant livré ce spécimen renferme des restes de premiers vertébrés remarquablement bien conservés. Les vertébrés complets aussi anciens sont extrêmement rares et souvent porteurs de caractéristiques clés permettant de polariser l'ordre d'apparition des différentes structures anatomiques. L'étude de ce fossile d'une dizaine de centimètres de longueur montre que ses plaques osseuses et son crâne sont typiques des placodermes. Mais en y regardant de plus près, sa gueule entrouverte laisse apparaître une série d'os jamais observée chez les placodermes et uniquement connue chez les ostéichthyens : prémaxillaires et maxillaires sur la mâchoire supérieure et dentaires et infradentaires sur la mâchoire inférieure. Tout aussi surprenant, les os des mâchoires d'Entelognathus ne présentent pas de dents, contrairement aux ostéichthyens.

Entelognathus et les vertébrés à mâchoires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Entelognathus et les vertébrés à mâchoires

Cette mâchoire complexe, et auparavant supposée « moderne », présente chez Entelognathus primordialis,l'un des plus anciens placodermes complets connus, n'est donc plus une caractéristique unique aux ostéichthyens. L'ancêtre commun hypothétique des gnathostomes ne ressemblait donc pas à une sorte de requins (animal cartilagineux à mâchoires simples et recouvert de petites écailles), mais plus vraisemblablement à un vertébré qui pouvait s’apparenter à Entelognathus : un animal recouvert de larges plaques osseuses sur l'avant du corps et sans doute avec des mâchoires complexes. Les requins et les acanthodiens présentent donc des structures anatomiques dérivées par rapport à ces conditions de départ, avec une réduction de l'ossification du corps et une miniaturisation du revêtement dermique. Les requins, comme les acanthodiens, ne seraient donc pas primitifs – idée également influencée par la représentation populaire de l’image du requin –, mais dérivés au sein de l'histoire évolutive des gnathostomes.

La découverte de ce petit fossile a d’importantes implications évolutives car il propose de changer l'ordre d'apparition de certaines structures anatomiques majeures. Au sein des gnathostomes, l'os serait donc apparu avant le cartilage, le revêtement dermique composé de larges plaques osseuses avant l'agencement de tout petits éléments dermiques et vraisemblablement les mâchoires complexes avant les mâchoires simples… et non l'inverse comme il était supposé depuis le xixe siècle. Cette nouvelle histoire des vertébrés à mâchoires a encore besoin d'être testée. Il existe encore une possibilité qu'Entelognathus ait hérité de ces mâchoires complexes de façon isolée au sein du groupe des placodermes. Dans ce cas, le scénario traditionnel serait encore valable, les mâchoires simples demeurant un caractère ancestral.

— Gaël CLÉMENT

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de paléontologie au Muséum national d'histoire naturelle, Paris

Classification

Média

Entelognathus et les vertébrés à mâchoires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Entelognathus et les vertébrés à mâchoires