ENTREPRISE Sociologie de l'entreprise
Le système
Des objectifs
L'entreprise est un système finalisé où des objectifs globaux sont poursuivis (C. Perrow) : être premier constructeur automobile, fournir l'accès le moins cher à Internet, proposer une gamme complète de voyages, etc. Ces objectifs alimentent les discours sur la « stratégie » d'entreprise, présentée comme une offre globale développée vis-à-vis de l'extérieur. Pourtant, Herbert Simon affirme que seuls les individus ont des objectifs et en aucun cas les entreprises. Si on détaille cette affirmation, chaque client veut un produit d'un bon rapport qualité/prix, chaque travailleur veut exercer une activité intéressante et bien rémunérée, chaque propriétaire souhaite rentabiliser son investissement. À partir de là, les sociologues préfèrent étudier d'abord les stratégies des différents acteurs (M. Crozier et E. Friedberg), avant d'analyser la stratégie unitaire supposée de l'entreprise. Cela provoque une évolution des théories sur l'entreprise. Henry Mintzberg distingue ainsi quatre visions successives.
– Un acteur, un objectif : c'est l'approche classique (xixe s.) polarisée sur le propriétaire tout-puissant qui maximise son profit.
– Un acteur, plusieurs objectifs : c'est l'approche managériale (années 1930) centrée sur le dirigeant salarié qui cherche un compromis entre croissance, rentabilité, emploi... pour asseoir son pouvoir.
– Plusieurs acteurs, plusieurs objectifs : c'est l'approche béhavioriste (années 1960) d'un H. Simon qui distingue les intentions des clients de celles des travailleurs ou des propriétaires.
– Plusieurs acteurs, aucun objectif commun explicite : c'est l'approche sociologique actuelle (depuis les années 1980) où l'entreprise permet de concilier des avantages et de produire des effets conjoints sans qu'il y ait des objectifs communs très prédéterminés.
L'entreprise apparaît comme un simple mode de coordination permettant de rendre compatibles des intentions multiples, parfois implicites ou inavouées.
Une coordination
La vision de l'entreprise comme mode de coordination remonte à Chester I. Barnard (1938). Cet auteur pionnier indique que le système n'est viable que si chaque acteur trouve un équilibre satisfaisant entre sa contribution et sa rétribution : pouvoir d'achat contre produit pour le client, compétence productive contre rémunération pour le travailleur, apport de capitaux contre profit pour le propriétaire. Reste à rendre tous ces objectifs congruents en coordonnant l'ensemble. Le choix fondamental doit alors se faire entre différencier et intégrer (P. Lawrence et J. Lorsch). Différencier, c'est décomposer les activités en tâches spécialisées. Intégrer, c'est les faire converger vers un résultat commun. Il y a une contradiction entre ces deux exigences. Il faut à la fois distinguer et unir. Pour résoudre le problème, H. Mintzberg (1982, chap. I) identifie au moins cinq façons de coordonner des actions : 1) la supervision directe ; 2) la standardisation du travail ; 3) la direction par objectifs ou produits ; 4) la complémentarité des compétences ou qualifications ; 5) l'ajustement mutuel par communication généralisée. Si on voulait assimiler chacune de ces cinq façons de coordonner l'entreprise à une théorie caractéristique, on proposerait : 1) l'administration industrielle et générale de Henri Fayol ; 2) l'organisation scientifique du travail de Frederick Winslow Taylor ; 3) la direction par objectifs de Peter Drucker ; 4) le knowledge management ou l'organisation apprenante de Chris Argyris et Donald Schön ; 5) l'agir communicationnel de Jürgen Habermas.
Chaque mode de coordination débouche sur une structure d'entreprise typée : 1) la structure simple, gouvernée par le sommet ; 2) la[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Michel MORIN : docteur en sociologie, maître de conférences à l'université de Paris-V
Classification
Autres références
-
L'ACCUMULATION DU CAPITAL, Joan Violet Robinson - Fiche de lecture
- Écrit par Jean-Marc DANIEL
- 1 011 mots
- 1 média
Le livre s'écarte de la théorie néo-classique en ne considérant pas le taux d'intérêt comme le paramètre essentiel du processus d'expansion. Joan Robinson constate que la vision néo-classique part de l'idée que les entreprises n'ont aucun autofinancement, ou, tout au moins, que leur... -
ACTIONNAIRES
- Écrit par Pierre BALLEY
- 8 189 mots
- 2 médias
...travail salarié à l'égard des privilèges que le capitalisme assure aux propriétaires des entreprises, et donc aux actionnaires et à leurs mandataires. Faire d'un ouvrier, serait-ce accessoirement, un actionnaire de sa propre société paraît en effet, au moins en théorie, un moyen de le faire évoluer d'une... -
ACTUALISATION, économie
- Écrit par Alain COTTA
- 744 mots
Le terme actualisation désigne, en économie, un procédé qui permet de comparer l'évaluation d'un même bien ou celle des services qu'il rend en différents moments du temps. Quelle que soit l'évaluation d'un bien (prix de marché, coût de production, etc.), il est...
-
AGRICULTURE URBAINE
- Écrit par Jean-Paul CHARVET et Xavier LAUREAU
- 6 273 mots
- 8 médias
...une activité récréative ou encore à une activité seulement sociale et citoyenne ? La réponse à cette question détermine le régime social dans lequel les entreprises peuvent être immatriculées. En France l’activité de production agricole est nécessaire pour bénéficier de la Mutualité sociale agricole et... - Afficher les 114 références