ENTREPRISE Théories et représentations
Au-delà de l'interrogation première sur la nature de la firme, une théorie de la firme doit répondre à deux grandes catégories de questions. Elles sont soit internes et portent sur l'architecture et le fonctionnement de l'entreprise, soit externes et concernent la place et le rôle de l'entreprise dans l'organisation économique et sociale.
Selon une définition courante, l'entreprise – la firme – constitue un centre de décision indépendant chargé d'assurer la coordination d'un projet productif durable. Mettant en avant la mission productive, cette définition place au second rang, d'autres images possibles de la firme, comme celle de lieu de pouvoir ou de production de normes sociales, qui cependant ne permettent pas de la distinguer des autres organisations.
Comparativement aux approches sociologiques qui étudient la firme principalement sous l'angle du pouvoir, les sciences économiques et de gestion, auxquelles sont rattachées les théories de la firme, accordent une place centrale à l'efficience. En d'autres termes, la firme est étudiée relativement à sa capacité de créer de la valeur, de dégager un surplus par rapport à la valeur des ressources utilisées dans le processus productif, d'être rentable.
Ce surplus est dû aux effets bénéfiques de la coopération entre les différents facteurs de production constituant les ressources du processus productif. L'efficience de la coopération dépend de la capacité de coordonner les différentes ressources. Il est certes possible d'imaginer que toute la production s'organise de façon décentralisée et spontanée, les différents facteurs de production se coordonnant alors sur le marché, par le seul mécanisme des prix. Mais, l'importance du rôle des firmes dans l'économie réelle laisse supposer que la seule coordination marchande présente des failles. Dans certaines activités, la coordination dirigée par la firme, au moyen du pouvoir hiérarchique, offre vraisemblablement des avantages.
Deux courants théoriques principaux proposent une explication à cette supériorité contingente de la firme. Le premier s'appuie sur une vision contractuelle de la firme. La firme est un « nœud de contrats » ou, plutôt, un centre contractant chargé de gérer l'ensemble des contrats nécessaires à la production. En raison des asymétries d'information entre les acteurs économiques, et des conflits d'intérêts qui les opposent, la gestion de tous les contrats par le marché ne permet pas toujours de créer le maximum de valeur. Pour certains contrats, une gestion dirigée par la firme se révèle préférable. Cette argumentation sous-tend les « théories contractuelles » de la firme. Il s'agit d'une vision restrictive et négative du projet productif : la source de l'efficience est disciplinaire et la firme existe afin de réduire les pertes d'efficience dues aux conflits d'intérêts.
Si, via les problèmes posés par l'asymétrie d'information, la notion d'information est au centre des théories contractuelles, les « théories cognitives » privilégient quant à elles celle de connaissance. Dans cette conception, le rôle de la firme évolue grandement : la firme acquiert la faculté d'apprendre et de créer de la connaissance – les notions d'apprentissage et d'innovation deviennent centrales. Son influence sur le processus de création emprunte ainsi une voie plus positive.
Les théories contractuelles de la firme
Pour comprendre la justification contractuelle de la firme, il faut, paradoxalement, prendre pour référence le modèle d'équilibre général de la théorie économique néo-classique, au sein duquel la firme, réduite au statut de « firme-point », n'a pas de véritable existence. Dans ce modèle, utile pour comprendre le rôle du système des prix, les firmes sont de simples[...]
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Écrit par
- Gérard CHARREAUX : professeur émérite en sciences de gestion à l'université de Bourgogne
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