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ENTRETIEN

L’entretien est sans doute la méthode de recueil des données la plus souvent adoptée dans les recherches en sciences sociales parce que son abord est apparemment facile. Elle nécessite en réalité un véritable savoir-faire qui renvoie moins à des « recettes » méthodologiques qu’à des éléments liés aux statuts respectifs de l’enquêteur et de l’enquêté dans les sciences sociales. L’entretien peut être considéré, dans une logique ethnographique, comme accompagnant d’autres manières de saisir l’objet de la recherche, en particulier l’observation de situations ou les entretiens informels. Dès lors, la question de la représentativité des personnes interrogées ne devrait pas se poser, dans la mesure où les méthodes ethnographiques permettent une analyse en profondeur de situations ou de trajectoires qui font sens par elle-même plutôt que dans une mise en série échantillonnée.

Pour autant, le choix des enquêtés n’est pas neutre : sur son terrain, le chercheur en sciences sociales est souvent confronté à des difficultés liées au refus des enquêtés de répondre et de partager avec un étranger son histoire, ses pratiques et ses points de vue. Le premier travail consiste alors à se faire accepter comme un interlocuteur légitime, à négocier l’entretien et à produire de la confiance.

Une fois l’entretien obtenu, le lieu, le moment, l’organisation spatiale du lieu dans lequel se déroule l’entretien et la distance physique entre interviewés et interviewer peuvent directement influer sur son déroulement. De la même façon, les caractéristiques socio-démographiques de l’enquêté (niveau de qualification, sexe, âge, etc.) déterminent en partie sa familiarité avec la situation d’entretien, son aisance dans la prise de parole, le récit de soi ou la réflexivité. L’entretien n’aura pas le même rythme ni la même fluidité selon son activité ou son statut social. Symétriquement, les caractéristiques de l’enquêteur peuvent également peser fortement sur le déroulement de l’entretien. Être étudiant ou chercheur, jeune ou expérimenté, homme ou femme, et la proximité de ces caractéristiques avec celles de la personne interrogée, vont donner un tour spécifique à l’image que l’enquêté se fait du statut de l’entretien, et influencer ses réactions face aux questions.

Il est illusoire de penser que l’enquêteur doit neutraliser ces effets et recréer des conditions d’enquêtes identiques ou « neutres ». À l’inverse, il est important de prendre conscience de ces conditions et de les objectiver, en identifiant clairement les particularités de chaque situation d’entretien. Cette prise de conscience doit amener l’enquêteur à agir en fonction des conditions de l’interaction et à en tirer parti. Il peut s’agir d’aider certaines personnes à verbaliser, ou à l’inverse à réorienter le discours par trop convenu ou « lisse » d’un interlocuteur rompu à l’exercice. L’établissement de la bonne distance et la construction de la confiance avec l’enquêté passent alors par la manière de se présenter et de présenter son objet : l’explicitation claire des raisons de l’enquête et de l’usage des données permet de déjouer des malentendus. Il peut s’agir également d’adopter des stratégies de présentation qui, tout en étant honnêtes, favoriseront en retour la confiance de son interlocuteur. Le choix du lieu, la posture de l’enquêteur (son attitude générale, sa tenue vestimentaire mais également le rythme de sa prise de notes ou la manière de présenter l’enregistrement de l’entretien, etc.) s’avèrent également autant de manières de donner des signaux à l’enquêté.

Au-delà de la situation d’entretien proprement dite, ce sont les manières mêmes de poser les questions qui jouent un rôle central. On distingue canoniquement les méthodes d’entretien selon le degré de liberté laissé[...]

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Écrit par

  • : sociologue, Orange Labs, maître de conférences associée à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en Yvelines
  • : maître de conférences en sociologie à l'université de Poitiers, chercheur au C.U.R.A.P.P., C.N.R.S., université d'Amiens

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