- 1. L'homme dévastateur de la nature : un constat ancien
- 2. Des craintes croissantes concernant la rapide et profonde dégradation de l'environnement
- 3. 1948 : l'ombre de Malthus
- 4. L'impact médiatique du D.D.T.
- 5. Les questions environnementales ne s'inscrivent pas dans l'immédiateté
- 6. De la politique de conservation à l'écologie politique
- 7. Un combat sans cesse recommencé : Al Gore et « Une vérité qui dérange »
- 8. Bibliographie
ENVIRONNEMENT Catastrophisme environnemental
L'impact médiatique du D.D.T.
On ne peut dissocier la montée en puissance des mouvements en faveur de la protection de l'environnement après 1945 des peurs suscitées par l'accélération de l'action dévastatrice de l'homme, ce qu'on appellera l'empreinte écologique humaine : au-delà de la crainte très présente d'une guerre nucléaire totale et de ses conséquences environnementales (l'hiver nucléaire), on s'inquiète de plus en plus des multiples effets de la modernisation et de l'industrialisation sur l'environnement, du lien entre les cancers et d'autres maladies avec certains facteurs environnementaux, de l'accumulation des déchets, des mauvaises conditions de vie dans des villes de plus en plus grandes...
Parmi les conséquences environnementales de l'évolution des pratiques dans de nombreux domaines de l'après-guerre, les dégâts provoqués par une substance considérée comme miraculeuse au moment de son introduction, le D.D.T., jouent un rôle essentiel dans la prise de conscience des enjeux de l'atteinte à l'environnement. Les risques de l'usage du D.D.T. et des pesticides et leurs conséquences sur le long terme sont le thème central du livre de Rachel Carson (1907-1964), Silent Spring (1962, traduit en 1963 sous le titre Printemps silencieux). R. Carson est une biologiste célèbre pour ses ouvrages sur la vie dans les océans et les mers : elle travaillait au service des pêches de l'administration américaine avant de se consacrer entièrement à la vulgarisation. Silent Spring connaît un immense succès de librairie aux États-Unis et son auteur devient une véritable vedette. S'appuyant sur une vaste documentation (totalement omise dans la version française), R. Carson dresse un réquisitoire implacable concernant l'impact du D.D.T. (en usage depuis 1943 en Amérique centrale et du Sud, puis un peu partout en accompagnement des troupes américaines dans les zones atteintes de paludisme) et de ses dérivés. Ce produit a été le symbole du progrès de l'après-guerre : simple à utiliser, économique, il apportait une réponse définitive aux problèmes médicaux (paludisme, typhus par exemple) et économiques (agriculture) posés par les insectes. Dès 1944 cependant, des naturalistes s'inquiètent des conséquences de l'utilisation de ce produit dont on fait l'éloge. Dix-huit ans plus tard, R. Carson dispose de nombreux et solides arguments contre l'emploi de ces pesticides : ils s'accumulent dans le sol et dans la chaîne alimentaire, provoquant une forte mortalité animale, notamment chez les oiseaux qui voient leurs cycles reproducteurs perturbés. Mais elle affirme aussi le rôle probable du D.D.T. dans l'augmentation des cas de cancer – ce qui n'a jamais été démontré. Son livre suscite une véritable tempête aux États-Unis et sa parution est souvent considérée comme l'acte de naissance du mouvement environnemental contemporain. Les débats sont houleux et Rachel Carson se voit sévèrement attaquée par les industries agrochimiques. Pourtant, le D.D.T. finit par être prohibé dans les années 1970, pour des raisons sanitaires plutôt qu'environnementales car on craint que l'accumulation de ce type d'insecticides à longue durée de vie provoque des cancers. Les qualités littéraires du livre de Rachel Carson ne suffisent pas à expliquer son succès. Ce dernier est un symptôme de l'inquiétude croissante des Américains concernant les conséquences imprévues de la modernité : accumulation des déchets non recyclables comme le plastique, pollutions diverses (rejet d'oxydes de soufre et d'azote dans l'atmosphère, rejet de dioxyde de carbone, poussières) notamment dues à l'automobile mais aussi à nombre d'industries, augmentation du nombre de cancers apparemment liés à la présence de produits chimiques dans la chaîne alimentaire...[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Valérie CHANSIGAUD : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot
Classification
Autres références
-
ENVIRONNEMENT GLOBAL
- Écrit par Robert KANDEL
- 8 114 mots
- 10 médias
Désormais sujet de débat politique et faisant une entrée remarquée sur la scène diplomatique internationale, la question de la transformation de l' environnement par la civilisation moderne cesse d'être l'unique apanage des scientifiques ou des « amis de la nature ». Devenue globale, la question se pose...
-
GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT
- Écrit par Pierre LASCOUMES
- 1 390 mots
Le Grenelle de l’environnement – de son vrai nom le Grenelle Environnement (GE) – est une concertation politique innovante, menée entre juillet et décembre 2007, peu après l’élection à la présidence de la République de Nicolas Sarkozy. Son objectif était de définir les grands axes...
-
NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES SUR L'ENVIRONNEMENT - (repères chronologiques)
- Écrit par Jean-Paul DELÉAGE
- 2 610 mots
1968 Première conférence intergouvernementale posant le problème de la conservation et de l'utilisation rationnelle des ressources de la biosphère. Organisée par l'U.N.E.S.C.O., du 4 au 13 septembre, à Paris, elle recommande l'élaboration d'un grand programme mondial de recherches sur l'homme et...
-
SEVESO ACCIDENT CHIMIQUE DE (10 juillet 1976)
- Écrit par Yves GAUTIER
- 375 mots
- 1 média
Le 10 juillet 1976, des vapeurs toxiques de dioxine – précisément de 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-para-dioxine, cancérigène et tératogène même à faible dose – s'échappent d'un réacteur chimique produisant du chlorophénol de l'usine Icmesa (filiale de Givaudan), près de Milan (Italie). Ce produit,...
-
ACIDIFICATION DES OCÉANS
- Écrit par Paul TRÉGUER
- 2 201 mots
- 5 médias
Par sa capacité à dissoudre les gaz atmosphériques responsables de l'effet de serre, l'océan joue un rôle essentiel dans la régulation du climat. Toutefois, l'absorption de l'excès de dioxyde de carbone (CO2) rejeté par les activités humaines (anthropiques) depuis 1850...
-
AÉRONAUTIQUE CIVILE (INDUSTRIE)
- Écrit par Georges VILLE
- 2 387 mots
Le développement de la sensibilité environnementale a entraîné une dégradation de l'image du transport aérien. Les constructeurs et les exploitants ont fait beaucoup d'efforts et obtenu des résultats appréciables, mais ceux-ci ont été masqués par la croissance du trafic ; la situation continuera de s'améliorer,... -
AÉRONOMIE
- Écrit par Gaston KOCKARTS
- 4 157 mots
- 11 médias
...rayonnement cosmique corpusculaire avec l'atmosphère ; ceux du troisième cycle sont essentiellement d'origine anthropogénique (dus aux activités humaines). En effet, les chlorofluorocarbures (CFC), utilisés massivement comme gaz réfrigérants, ou comme gaz propulseur dans les aérosols ont libéré des composés... - Afficher les 235 références