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ENVIRONNEMENT Catastrophisme environnemental

Les questions environnementales ne s'inscrivent pas dans l'immédiateté

L'inscription dans le temps est l'un des points forts communs à la majeure partie des textes traitant de la conservation de la nature ou de l'environnement. Dans tous les cas, les analyses s'inscrivent dans une même perspective narrative : les dégradations commises dans le passé sont incontestables et nombreuses, elles se multiplient aujourd'hui et provoqueront, demain, diverses catastrophes.

La « catastrophe » se situe donc dans une temporalité originale, essentiellement prévisionnelle. Il faut ici revenir sur la notion de catastrophe environnementale. On reproche souvent aux auteurs environnementalistes leur pessimisme, voire leur catastrophisme. Mais s'il est vrai que l'avenir dépeint est fort sombre, la fin du monde (ou de l'humanité) n'est que très rarement évoquée. La catastrophe annoncée n'équivaut pas à la chute d'une météorite ou au déclenchement d'un hiver nucléaire. Elle concerne plutôt la dégradation des standards de vie, l'aisance moderne actuelle n'étant perçue que comme un mode fragile, trop dépendant de l'« économie de la rapine » et qui ne peut pas durer indéfiniment. Il s'agit donc de changer profondément ce mode de vie qui ne peut – ou ne doit – plus durer. Ces textes ne sont jamais entièrement pessimistes. Ils s'inscrivent tous dans l'idée qu'il existe un type de progrès meilleur que celui qui est imposé comme unique projet. On trouve chez Vogt comme chez Carson de nombreuses critiques de la notion de progrès telle qu'elle triomphait à leur époque : ils affirment que c'est un progrès factice car il repose sur une simple accumulation des biens (ou consumérisme) et qu'il n'est pas soutenable sur le long terme, précisément parce qu'il épuise les ressources naturelles.

L'abord de la catastrophe est donc une question morale avant d'être un problème technique à résoudre pour l'éviter. C'est pourquoi les environnementalistes de l'après-guerre se situent à l'exact opposé des optimistes qui, eux, croient en la capacité humaine à trouver des solutions à tous les problèmes. La morale rejoint ici la temporalité. Pour les environnementalistes, la situation qu'on constate actuellement en matière d'environnement revient à léguer aux générations futures, non seulement les dérèglements actuels dont nous sommes responsables, mais également la tâche de trouver les moyens de les corriger. Encore faut-il que ces moyens existent ! S'il convient d'être critique vis-à-vis des catastrophistes, il convient de l'être aussi envers les optimistes. Rien ne prouve en effet que les progrès des sciences et des techniques iront croissant, et donc que des solutions techniques seront toujours trouvées. C'est dans ce questionnement que s'inscrit une temporalité originale, prospective, quant aux décisions politiques et économiques qu'il faut prendre.

Les environnementalistes ont été souvent critiqués sur un point important : ils ont commis un grand nombre d'erreurs dans leurs évaluations. Ainsi, ils se sont hasardés à faire des pronostics sur l'épuisement des ressources naturelles qui se sont révélés faux dans la plupart des cas, ce qui bien évidemment atténue la force de leur propos. Les échecs des prévisionnistes sont finement analysés dès 1941 par Harold F. Williamson, un économiste spécialiste de l'histoire des ressources pétrolières. Il remarque que, jusqu'à présent, les « prophètes de l'épuisement des ressources », se sont trompés. Outre le discrédit que cela jette sur les tenants de la conservation des ressources exploitables, ces erreurs rendent plus difficile la mise en place de mesures politiques concrètes. Williamson prédit que, en dépit des difficultés pour émettre des pronostics et malgré[...]

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  • : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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