- 1. L'homme dévastateur de la nature : un constat ancien
- 2. Des craintes croissantes concernant la rapide et profonde dégradation de l'environnement
- 3. 1948 : l'ombre de Malthus
- 4. L'impact médiatique du D.D.T.
- 5. Les questions environnementales ne s'inscrivent pas dans l'immédiateté
- 6. De la politique de conservation à l'écologie politique
- 7. Un combat sans cesse recommencé : Al Gore et « Une vérité qui dérange »
- 8. Bibliographie
ENVIRONNEMENT Catastrophisme environnemental
De la politique de conservation à l'écologie politique
À l'exception du réchauffement climatique, les thèmes abordés dans les différents ouvrages sur l'environnement parus de 1948 à 1968 sont donc identiques aux préoccupations actuelles ; seul le vocabulaire a évolué. De nouvelles expressions comme « biodiversité », « développement durable », « utilisation soutenable », « décroissance », etc., connaissent une immense popularité, mais les idées qu'elles véhiculent sont apparues dans des thèses développées par la génération précédente, voire au xixe siècle. L'histoire personnelle des premiers théoriciens du catastrophisme permet d'entrevoir leurs univers intellectuels, culturels et idéologiques. On découvre alors qu'ils n'ont jamais été des adversaires acharnés du progrès, du capitalisme ou du genre humain. Bien au contraire. C'est du contenu de l'idée de progrès et des relations avec l'environnement naturel qu'il est question.
On peut avoir le sentiment, en parcourant ces livres vieux de plus d'un demi-siècle, qu'ils n'ont servi à rien et qu'on débat toujours et encore des mêmes questions aujourd'hui. Ces ouvrages ont pourtant joué plusieurs rôles fondamentaux.
Tout d'abord, en mettant sur le devant de la scène publique les questions environnementales, ils obligent les écologistes scientifiques à sortir de leur tour d'ivoire et à s'engager dans les débats contemporains. Ensuite et surtout, en rendant indispensable l'expertise scientifique, ils contribuent, à leur façon, à l'émergence d'une nouvelle discipline : la biologie de la conservation.
Mais surtout, ces travaux établissent un impératif : il est nécessaire d'analyser et de traiter les problèmes environnementaux d'une façon globale ou holistique. C'est le sens du concept de « biosphère » développé en 1926 par le géochimiste russe Wladimir Vernadsky (1863-1945), qui analyse la terre comme un système global où les phénomènes géochimiques sont intimement liés aux phénomènes biologiques. C'est aussi le cas de la notion de relations trophiques développée dans les années 1920 par l'écologiste britannique Charles Sutherland Elton (1900-1991), pour qui les êtres vivants n'existent que par leur interdépendance, et de la notion d'écosystème proposée par le botaniste britannique Arthur George Tansley (1871-1955) qui définit l'interaction, en un lieu donné, des organismes vivants et des éléments inertes. Ces concepts sont popularisés après 1945 par une importante littérature vulgarisatrice portée par des auteurs comme Marston Bates (1906-1974), Raymond Fredric Dasmann (1919-2002) ou Aldo Leopold (1887-1948), mais aussi par de nombreuses O.N.G. La force du livre de Rachel Carson est de s'appuyer sur cette perception du monde : l'être humain n'est pas isolable ; il s'inscrit dans un réseau complexe d'interdépendances et son action sur quelque élément que ce soit de son environnement peut entraîner de profondes répercussions sur un autre.
De fait, ces auteurs exercent une autre influence profonde en développant une critique radicale des fondements des sociétés industrielles comme l'anthropocentrisme, la foi dans un progrès constant, l'accumulation de biens. Ils contribuent à nourrir les réflexions de la génération d'environnementalistes qui apparaît à la fin des années 1960. Ceux-ci ne sont plus en majorité des biologistes et ils portent un projet bien différent de leurs aînés : l'écologie politique. Il ne s'agit plus seulement de conserver les ressources naturelles dans le souci des générations futures, mais d'imaginer une nouvelle forme de société qui rompe radicalement avec les modèles hérités du xixe siècle. C'est un projet qui a d'autant plus[...]
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Écrit par
- Valérie CHANSIGAUD : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot
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