ENVIRONNEMENT GLOBAL
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Les complexités de l'ozone
L'ozone de la stratosphère
Alors que nous respirons l' oxygène sous forme de molécule diatomique O2, cette molécule peut dans certaines conditions être dissociée pour donner des atomes « libres » d'oxygène, capables de s'associer avec une molécule intacte O2 pour former l'ozone O3. Cette réaction peut être le fait d'une décharge électrique ou, dans la stratosphère, d'un rayonnement ultraviolet, comme l'a montré le physicien anglais Sydney Chapman dès 1930. Ainsi la couche d'ozone stratosphérique, qui protège la vie terrestre en absorbant du rayonnement ultraviolet solaire, n'existe que comme produit de ce rayonnement. On a commencé à se rendre compte dans les années 1960 que la faible quantité d'ozone dépendait aussi de cycles de destruction faisant intervenir d'autres molécules rares — des oxydes d'azote et d'hydrogène. Or la combustion des carburants dans les moteurs thermiques peut produire de tels oxydes. D'où une grande inquiétude sur les conséquences d'utilisation des avions supersoniques (Concorde, Tu-144) volant dans la stratosphère. En fait, ce n'est pas si simple, car il y a concurrence entre de nombreuses réactions ; à certaines altitudes (notamment celles où vole le Concorde), ajouter des oxydes d'azote peut accroître la quantité d'ozone !
En 1974, les chimistes californiens Sherwood Rowland et Mario Molina ont soulevé la question des CFC. Ces produits, extrêmement stables donc dénués de toxicité, sans risque d'inflammabilité, avaient trouvé de nombreuses applications, notamment dans la réfrigération et comme agent propulseur dans les « bombes » à aérosols. En raison de cette stabilité, Rowland et Molina ont prévu que les CFC allaient s'accumuler dans l'atmosphère et atteindraient progressivement la stratosphère, ce que l'on observe à présent. Là, le rayonnement ultraviolet les transforme en atomes et oxydes de chlore. Ces derniers, comme les oxydes d'azote et d'hydrogène, participent à des cycles catalytiques de destruction d'ozone. Toutefois, le taux d'appauvrissement de la couche d'ozone restait (dans les années 1970) incertain car dépendant d'un ensemble très complexe de réactions chimiques et de vitesses de réactions très mal connues. Aux États-Unis et en Suède, les mouvements de défense de l'environnement, relayés par les médias, ont obtenu dès 1978 l'abandon des CFC comme propulseurs d'aérosols ; depuis lors, le reste de l'Europe a suivi.
Le trou de l'ozone
En 1985, une équipe britannique travaillant à la station de Halley Bay, en Antarctique, annonce la découverte du « trou » de l'ozone : une diminution dramatique de la quantité d'ozone dans la stratosphère au printemps austral (octobre). Une nouvelle analyse des données (obtenues depuis 1978 par l'instrument T.O.M.S.[total ozone mapping spectrometer]du satellite américain Nimbus-7) confirme l'étendue de ce trou sur une grande partie de l'Antarctique, tout en montrant qu'il existait depuis la fin des années 1970. Se résorbant avant l'été, il réapparaît en s'aggravant à chaque printemps. Les importantes campagnes internationales de mesures, depuis le sol et à partir d'avions instrumentés, montrent l'association du trou de l'ozone à une importante quantité d'oxydes de chlore. La plupart des spécialistes considèrent aujourd'hui que les CFC sont responsables de ce phénomène, quoique agissant selon des mécanismes différents de ceux qui ont été imaginés dans les premiers travaux de Rowland et Molina. Les causes essentielles de ce fait dramatique sont multiples : les conditions extrêmement froides qui prévalent au-dessus du continent Antarctique en hiver, favorisant alors la formation de nuages (de cristaux de glace) dans la stratosphère ; la circulation en vortex polaire qui isole la stratosphère Antarctique du reste de l'atmosphère pendant plusieurs semaines, permettant aux réactions chimiques de se dérouler en vase clos. Avec l'arrivée progressive et fortement croissante des CFC, on aurait dépassé un seuil critique dans la densité de composés chlorés dans la stratosphère.
Le cycle de destruction de l'ozone stratosphérique polaire se déroule pendant quelques semaines au printemps austral ; à certaines altitudes, presque tout l'ozone disparaît. Ensuite, avec l'approche de l'été, le vortex polaire se disloque, les couches se mélangent et le trou est comblé avec de l'ozone formé à d'autres latitudes. Mais cela ne diminue-t-il pas la quantité totale d'ozone dans la stratosphère globale ? L'analyse des mesures le laisse penser, ainsi que les calculs faits (notamment par Daniel Carriolle au Centre national de la recherche météorologique de Toulouse) avec les modèles de simulation des processus chimiques et dynamiques de la stratosphère. Un trou peut-il se former sur l'Arctique, débordant éventuellement sur les régions peuplées de l'Europe septentrionale ? Les conditions y sont moins propices, la stratosphère étant moins froide qu'au sud, les nuages plus rares, le vortex polaire souvent disloqué. Les mesures faites très récemment par les instruments du satellite américain U.A.R.S. (Upper Atmosphere Research Satellite) montrent cependant des concentrations très élevées d'oxydes de chlore, maillon de la chaîne de destruction de l'ozone. Par ailleurs, les aérosols abondants produits par le volcan Pinatubo perturbent certainement la situation.
Beaucoup de points restent à éclaircir. Ce n'est que depuis une vingtaine d'années que les recherches en physicochimie atmosphérique reçoivent un soutien commensurable avec la complexité et l'importance des problèmes ; on commence seulement à disposer de moyens de mesure de tous les constituants mineurs de l'atmosphère qui sont en jeu. Cependant, la forte présomption de « culpabilité » des CFC, les risques associés à une éventuelle augmentation du rayonnement ultraviolet atteignant la biosphère, le fait également que les CFC contribuent au renforcement de l'effet de serre (cf. supra) ont conduit à l'adoption du protocole de Montréal dès 1987. Les principaux pays producteurs des CFC ont décidé d'abandonner, progressivement mais rapidement, la fabrication et l'utilisation de ces produits.
La pollution par l'ozone dans la troposphère
Tout cela ne doit pas nous faire oublier un autre problème d'ozone, plus important, au moins dans l'immédiat, pour la santé publique. L' ozone, gaz assez réactif, est néfaste lorsqu'il est présent dans l'air que nous respirons. Or son abondance dans la basse atmosphère augmente, comme le montrent les observations faites depuis le début du siècle à l'observatoire du parc de Montsouris à Paris, et à bien d'autres endroits dans le monde. Dans la basse atmosphère, la production de l'ozone dépend à la fois du rayonnement solaire et de réactions faisant intervenir des hydrocarbures partiellement brûlés et des oxydes d'azote (les réactions du smog). Ces conditions se rencontrent en été dans l'air pollué par un fort trafic automobile. Pour les émissions des moteurs, les ingénieurs essaient de faire mieux, mais il est certain qu'un moteur ne peut qu'être néfaste s'il tourne alors que l'automobile se trouve immobile. L'ozone est produit aussi dans les régions tropicales où l'on brûle d'importantes quantités de matières végétales (feux de brousse, feux pour brûler les débris de la déforestation), et à certaines altitudes par les avions.
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Écrit par
- Robert KANDEL : directeur de recherche honoraire du C.N.R.S., laboratoire de météorologie dynamique, École polytechnique, Palaiseau
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- CONVECTION ou CONVEXION
- RAYONNEMENT SOLAIRE
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