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ENZYMES Histoire de la notion

La vie n’est rendue possible que par la réalisation ordonnée et simultanée de milliers de réactions chimiques dans les cellules vivantes, dont l’ensemble est appelé le métabolisme. Dans des conditions physiques et chimiques compatibles avec la vie, ces réactions ne se produisent en général pas spontanément à une vitesse appréciable. En revanche, au sein de la cellule, ces réactions sont fortement accélérées. Cette propriété remarquable est due à la présence dans les cellules et les organismes en général de catalyseurs biologiques, les enzymes.

Historique de la notion d’enzyme

L'histoire des enzymes et de leur science, l'enzymologie, ne remonte guère avant le début du xixe siècle. Certes, on connaissait auparavant les modifications de la matière organique par des extraits animaux ou végétaux, l'action des sucs digestifs sur les aliments ou sur la coagulation du lait. Les fermentations étaient connues depuis bien plus longtemps encore. Cela ne signifie pas que l’on ait établi un lien entre ces phénomènes et l’action particulière d’un composant du vivant, du moins avant les expériences de Lazzaro Spallanzani (1729-1779) montrant, en 1777, la liquéfaction des aliments sous l’effet du suc gastrique. La première démonstration formelle de l'existence de substances biologiques capables de réaliser certaines de ces opérations remonte à 1833, lorsque Anselme Payen (1795-1871), spécialiste des substances alimentaires, et le chimiste Jean-François Persoz (1805-1868) publient dans le Journal de pharmacie, en 1834, leur observation que l'amidon, insoluble, est transformé en sucres solubles par une substance extraite de grains d'orge, isolée par précipitation alcoolique. Ils nomment cette substance « diastase » (du grec diastasis, « séparation »), se référant ainsi à la nature de l'opération chimique. Au cours du xixe siècle, la notion de diastase va rester surtout associée à la digestion avec l'identification, dans les sécrétions du tube digestif, de substances comme la pepsine, la trypsine, les lipases, etc.

Portrait de Lazzaro Spallanzani - crédits : Marage Photos/ Bridgeman Images

Portrait de Lazzaro Spallanzani

Portrait de Jean-François Persoz - crédits : BIU Santé Pharmacie

Portrait de Jean-François Persoz

Eduard Buchner - crédits :  Science & Society Picture Library/ Getty Images

Eduard Buchner

Au cours de la seconde moitié du xixe siècle, la notion qu'un organisme vivant contient de très nombreuses molécules dites organiques se précise. On identifie en particulier le contenu des cellules à une substance visqueuse appelée colloïde, dont les diastases font partie. Le colloïde est responsable des transformations chimiques qui s’opèrent dans la cellule et sont à l’origine des molécules organiques. Les études sur les fermentations opposent Justus von Liebig (1803-1873) à Louis Pasteur (1822-1895), à propos du principe même de ces transformations, telles celles qui surviennent lors des fermentations, comme la production d’acide butyrique ou d’alcool. Ce sont de simples réactions chimiques pour le premier ; elles sont une propriété du vivant pour le second. La querelle Liebig-Pasteur est tranchée de manière définitive en faveur de Liebig par Eduard Buchner (1860-1917) en 1894. Ce dernier montre que les colloïdes des organismes fermentaires comme les levures restent actifs in vitro alors que l’organisation de la cellule qui les contenait a été détruite. Les colloïdes responsables de ces transformations chimiques furent appelés « enzymes » (et non plus diastases), terme qui rappelle le matériel utilisé par Buchner. Ce nom tiré du grec en, « dans », et zumè, « levure », vient en réalité d'une expression forgée par Willy Kühne (1837-1900) en 1878 qui signifiait simplement que « quelque chose » se passait dans la levure lors de la fermentation, ce qui en disait cependant très peu sur la nature des enzymes ou leur diversité... Comment rendre compte des nombreuses opérations chimiques différentes au sein de toute cellule ?

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

Classification

Médias

Portrait de Lazzaro Spallanzani - crédits : Marage Photos/ Bridgeman Images

Portrait de Lazzaro Spallanzani

Leonor Michaelis et Maud Menten - crédits : Smithsonian Institution/ SPL France

Leonor Michaelis et Maud Menten

Portrait de Jean-François Persoz - crédits : BIU Santé Pharmacie

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