ÉPICURE (341-270 av. J.-C.)
Des œuvres en grande partie perdues
Diogène Laërce rapporte qu'Épicure écrivit beaucoup et que l'ensemble de ses écrits formait quelque 300 volumes. La quasi-totalité de cette œuvre est perdue et si nous ne possédions pas les textes de nombreux autres auteurs anciens qui, à divers titres, eurent l'occasion de rapporter, de paraphraser, de discuter ses œuvres, une part importante de son système nous serait inconnue.
Outre un certain nombre de fragments, les textes que Diogène Laërce a conservés sont les suivants : trois lettres de caractère doctrinal (adressées à Hérodote, à Pythoclès, à Ménécée) qui contiennent des abrégés (la première, de la physique ; la deuxième, de l'astronomie et de la météorologie ; la troisième, de l'éthique) ; un recueil de sentences, pour la plupart de caractère éthique. Le célèbre biographe donne une liste de 41 titres des œuvres les plus significatives ; mais de la majorité d'entre elles nous ne possédons pas le moindre fragment. Un autre recueil de 81 sentences, le Gnomologium Vaticanum, fut découvert en 1888 dans un manuscrit de la Bibliothèque vaticane ; on y trouve un bon nombre de sentences authentiques à côté d'autres que l'on peut avec certitude attribuer à ses élèves. En ce qui concerne les trois lettres, il faut signaler une importante différence entre les deux premières et la troisième. Tandis que les lettres à Hérodote et à Pythoclès se présentent comme un résumé d'une partie du système, sorte de texte d'étude à l'adresse de ceux qui consacrent peu de temps à la philosophie ou désirent un exposé rapide de certains éléments particulièrement importants du système, la lettre à Ménécée veut être, outre une dissertation sur l'éthique, un véritable manifeste philosophique, ce que d'un terme technique on appelait alors protreptique. Épicure, sans se départir d'une forme littéraire soignée, y expose sa conception de la philosophie comme un moyen d'accéder au bonheur et disserte sur la nature de ce bonheur.
Vers 1750, vinrent s'ajouter d'autres textes découverts dans les papyrus d'Herculanum. Il s'agit d'œuvres qui nous sont parvenues fragmentaires, et parmi elles les restes d'une dizaine de livres du plus grand traité d'Épicure : De la nature, dont les 37 livres contenaient tout le système. L'étude scientifique de ces textes très importants n'a commencé que dans la seconde moitié du xixe siècle. En raison sans doute des difficultés de lecture et d'interprétation, elle n'a pas encore donné tous les résultats qu'on pouvait en attendre. Un groupe de livres traite du mouvement des simulacres (II), de la cosmologie (XI), des quatre éléments (XIV), de la logique (XVIII) ; un autre groupe comprend un livre traitant de l'activité psychique et de la liberté. De cet ensemble de fragments, on peut déduire que l'œuvre d'Épicure ne suit pas un plan rigoureusement établi. Du reste, sa composition s'est prolongée pendant de longues années (15 ans au moins) et les problèmes abordés reflètent plutôt les intérêts du moment et même les discussions tenues au sein de l'école. Ces fragments permettent en outre de se faire une idée assez claire de ce qu'était l'autre type d'enseignement d'Épicure, celui qui n'avait pas forme de catéchisme : l'exposé est vaste et minutieux, riche en renvois à d'autres passages du développement ainsi qu'à tous les problèmes qui se rattachent au thème.
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Écrit par
- Graziano ARRIGHETTI : professeur à l'université de Pise, membre du Conseil économique et social, ancien directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris
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