ÉPIDÉMIES ET PANDÉMIES
Épidémies et pandémies à l’époque contemporaine
Au xixe siècle, le progrès des communications facilite les contaminations d'un continent à l'autre. Mais, au moment où la défense que constituait la distance – ou l'isolement – existe de moins en moins, les moyens de lutte, administratifs et médicaux, deviennent sans commune mesure avec ceux du passé.
Les épidémies européennes au xixe siècle
En Europe, les nouvelles épidémies sont surtout la fièvre jaune et le choléra.
La fièvre jaune avait atteint Lisbonne en 1723, sévissant durement dans la péninsule Ibérique les années suivantes : Cadix est frappée en 1730, en 1733, en 1741, les Baléares en 1744, puis à nouveau presque toute l'Europe en 1800, 1810, 1812, 1821. La France est atteinte pour la première fois en 1802, Livourne en 1804. À partir de la seconde moitié du xixe siècle, les épidémies européennes de fièvre jaune sont à la fois plus rares, plus circonscrites, moins meurtrières. Elles disparaissent avec le siècle.
C'est avant tout l'apparition du choléra qui effraie le monde européen. La première grande épidémie, partie en 1817 des Indes, atteint la Crimée en 1830. Elle se répand en Europe orientale en 1831, en Europe occidentale en 1832. Avec des retraits et des retours offensifs, elle se maintient en Europe jusqu'en 1836-1837, d'où elle gagne l'Amérique. En 1849, l’étude des cas de choléra à Londres permet à John Snow de définir les modes de contagion et d’affirmer la nécessité de préserver les sources d’eau potable, ce qui est à l’origine de l’assainissement urbain. Une nouvelle vague atteint l'Europe en juillet 1865. Le choléra sévira périodiquement jusqu'à la fin du xixe siècle, les dernières épidémies se déclarant en Russie et en Pologne (1921-1922). Les itinéraires des sept grandes pandémies du choléra aux xixe et xxe siècles montrent le rôle qu'ont joué les troupes, les pèlerins, les caravanes commerciales dans la propagation de la maladie. Ils soulignent la rapidité croissante de sa progression par le développement des communications (rôle des « vapeurs » et des chemins de fer) et la « méridionalisation continue » des grandes vagues, dont les dernières touchent essentiellement les pays tropicaux.
Le relais du choléra est pris par la grippe asiatique, qui apparaît en 1889, puis en 1918 (grippe espagnole), et à nouveau en 1957 et dans les années qui suivront, par épisodes à peu près quinquennaux majorant les statistiques de mortalité grippale « normale » (personnes fragiles ou non vaccinées).
Enfin, la tuberculose, bien connue en Europe, qui a pris au xviiie siècle des formes plus virulentes, va devenir le fléau des nouvelles sociétés industrielles dès la première partie du xixe siècle, et son spectre hantera l'imaginaire romantique. Si la tuberculose n’est pas épidémique (au sens sanitaire actuel), son endémicité augmente fortement.
L'épidémie du xixe siècle, surtout le choléra, ne concerne plus la maladie seule. Elle est aussi liée à l'affrontement politique et social ; diffusion des germes et des idées subversives vont de pair. L'épidémie ne révèle plus seulement la haine sociale, elle entraîne aussi la haine politique. Les classes malheureuses, frappées plus durement, ressentent l'injustice de ce prix payé à la mort et s'insurgent contre le pouvoir.
Le « corps d'observation » de Catalogne en 1821 est une protection contre l'idéologie libérale autant que contre la fièvre jaune. Le choléra de 1832, l'épidémie la mieux connue, exprime ces deux dangers et suscite envers eux les mêmes réactions de défense.
Haine politique et haine sociale flambent. Le paysan du Var réagit en 1884 comme les indigènes à Manille en 1820. Devant le choléra, celui-là pense qu'il s'agit d'une « maladie inventée pour faire mourir[...]
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Écrit par
- Jacqueline BROSSOLLET : archiviste documentaliste à l'Institut Pasteur, Paris
- Georges DUBY : de l'Académie française
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
- Jean-Louis MIÈGE : professeur émérite d'histoire à l'université de Provence
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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