ÉPIGÉNÉTIQUE
Rôles in vivo des mécanismes épigénétiques
Il est important de retenir que la méthylation de l’ADN, les modifications des histones et les ARN non codants sont étroitement associés au plan fonctionnel in vivo, chacun pouvant influer ou modifier une ou les deux autres marques. Les quelques exemples suivants illustrent l’importance et la diversité des phénomènes épigénétiques dans des domaines très variés de la biologie.
Empreinte parentale
Le génome humain, diploïde, contient deux copies de chaque gène, les allèles : l’une est portée par le chromosome apporté par le père, et l’autre par le chromosome d’origine maternelle. Dans la plupart des cas, les deux allèles s’expriment de manière équivalente dans la cellule. Toutefois, une centaine de gènes échappent à cette règle et sont exprimés spécifiquement par l’un ou l’autre des deux allèles. On dit que ces gènes sont soumis à l’empreinte parentale. L’empreinte est un phénomène épigénétique car il repose sur la méthylation de l’ADN, les modifications des histones et les ARN non codants chez l’un des parents et intègre nécessairement la notion de transmission sur au moins une génération. Chez les animaux, l’empreinte parentale est apparue tardivement au cours de l’évolution : elle n’existe que chez les marsupiaux et les mammifères placentaires. Plusieurs gènes soumis à l’empreinte parentale agissent lors du développement embryonnaire, pendant lequel ils régulent la croissance du placenta ou celle de l’embryon lui-même. Il a été par exemple montré que des défauts d’expression du locus soumis à empreinte appelé H19/IGF2 conduit à des défauts de croissance chez la souris. Les expériences visant à créer des embryons de souris avec deux génomes paternels (androgenèse) ou deux génomes maternels (parthénogenèse) montrent que ceux-ci ne peuvent se développer normalement au-delà de quelques jours.
L’inactivation d’un chromosome X
Chez les mammifères, la femelle possède deux chromosomes X, mais seulement un seul est actif. Le deuxième est inactivé de manière épigénétique. Cette inactivation d’un chromosome entier a été le premier phénomène épigénétique d’importance identifié au début des années 1970 par la généticienne britannique Mary F. Lyon. Cette inactivation est assurée notamment par le long ARN non codant Xist. L’égalité dans l’expression des gènes portés par les chromosomes X entre les mâles, qui n’ont qu’un chromosome X, et les femelles, qui en ont deux, est rétablie par cette inactivation. Ce phénomène est par exemple responsable du pelage bicolore des chattes « écaille de tortue », dont l’un des gènes impliqués dans la couleur du pelage est porté par le chromosome X. La couleur de l’animal dépendra de l’allèle de ce gène exprimé par le X qui a échappé à l’inactivation. Contrairement à l’empreinte parentale, l’inactivation est un processus aléatoire touchant indifféremment le chromosome X d’origine paternelle ou maternelle dans chaque cellule. Des mécanismes de compensation de dose (« des chromosomes sexuels ») similaires ou combinant méthylation de l’ADN et marques d’histones ont été mis en évidence dans le dimorphisme sexuel chez d’autres espèces (drosophile, oiseaux, sauropsidés « reptiles »).
Épigénétique et atteintes du système nerveux chez l’homme
La délétion de la région 15q11-q13 du bras long d’un chromosome 15, l’autre chromosome étant normal, provoque des maladies mentales chez l’enfant. En effet, cette région est soumise à l’empreinte parentale. Si le chromosome tronqué est d’origine maternelle, les enfants développeront un syndrome d’Angelman, un retard sévère du développement mental associé à des troubles neurologiques divers. En revanche, si cette même délétion est portée par le chromosome d’origine paternelle et est combinée à une méthylation[...]
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Écrit par
- Pierre-Antoine DEFOSSEZ : directeur de recherche au CNRS
- Olivier KIRSH : maître de conférences, université de Paris-VII-Denis-Diderot
- Ikrame NACIRI : doctorante
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