ÉPIGÉNÉTIQUE
Épigénétique et hérédité
La génétique mendélienne décrit les modalités habituelles de la transmission de l’information génétique à la descendance. Cependant, il arrive que des observations ne puissent pas être interprétées au travers du prisme de la seule génétique classique, c’est-à-dire par une information seulement portée par la séquence d’ADN.Les travaux en épigénétique cherchent à comprendre ces mécanismes alternatifs et (ou) complémentaires de la transmission des caractères.
On identifie au moins trois catégories de transmission de l’épigénome : de cellule à cellule lors de la division cellulaire (mitose), ou durant la méiose des parents à l’enfant (transmission intergénérationnelle) et entre les générations (transgénérationnelle).
Transmission des marques épigénétiques lors de la mitose
Lors de la division cellulaire, un « contrôle de qualité » sévère portant sur la quantité et la qualité des constituants qui vont être transmis aux deux cellules filles est opéré. En ce qui concerne l’ ADN, la phase de réplication (phase S) permet d’obtenir deux copies identiques du génome à distribuer aux futures cellules filles lors de la phase M. Ce phénomène est semi-conservatif, c’est-à-dire que chaque nouvelle molécule d’ADN est constituée d’un brin ancien et d’un brin nouvellement synthétisé. La méthylation de l’ADN dans le contexte des CpG est donc partagée entre les deux nouvelles molécules d’ADN. Les ADN méthyltransférases dites de maintien (par opposition à celles de novo) entrent alors en jeu pour rétablir le patron de méthylation du brin d’ADN nouvellement synthétisé. La transmission des états de la chromatine, c’est-à-dire des marques d’histones et de la topologie de la chromatine et des ARN non codants associés, met en jeu des mécanismes plus ou moins complexes qui n’ont pas encore tous été décrits et compris. Quoi qu’il en soit, le statut épigénétique est intégralement transmis aux deux cellules filles.
Transmission intergénérationnelle
Quelle est la part d’ hérédité épigénétique dans ce qui est transmis à la première génération ? Chez la souris, le gène de la couleur agouti contrôle la couleur du pelage. Il s’avère que l’expression du gène agouti est régulée par la méthylation de l’ADN. La méthylation du gène inhibe son expression, conduisant à un caractère irrégulier de la couleur du pelage. Inversement, l’absence de méthylation induit l’expression du gène, donnant alors la couleur uniforme au pelage. On sait désormais que le régime alimentaire de la mère influence la méthylation du génome. Si l’alimentation de la souris gestante est riche en précurseurs de méthyle, comme le folate, alors les souriceaux ont tendance à avoir un pelage brun non uniforme. En revanche, une nourriture pauvre en acide folique donne un pelage clair uniforme. Le faible taux de méthylation des souris carencées en acide folique se retrouve non seulement sur le gène agouti, mais aussi sur le reste du génome. Cette hypométhylation globale du génome a diverses conséquences chez ces souris comme une plus grande susceptibilité face au diabète, à l’obésité ou à certains cancers.
La gestation chez les mammifères ou plus généralement le développement embryonnaire est une phase de la vie particulièrement sensible aux influences extérieures. Alcool, métaux lourds, médicaments, rayonnements, polluants chimiques, stress peuvent avoir des effets directs sur la mère et l’embryon, mais peuvent aussi entraîner certaines modifications épigénétiques de l’embryon et ainsi, possiblement, altérer des identités cellulaires de l’individu parvenu à l’âge adulte.
La responsabilité de la transmission de modifications de l’épigénome à la descendance ne repose pas seulement sur la mère lors de la gestation in utero. Deux études réalisées chez la souris ont montré[...]
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Écrit par
- Pierre-Antoine DEFOSSEZ : directeur de recherche au CNRS
- Olivier KIRSH : maître de conférences, université de Paris-VII-Denis-Diderot
- Ikrame NACIRI : doctorante
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