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ÉPOPÉE

La tradition européenne

Chanter de geste, chanson de geste, ces deux expressions, bien attestées au Moyen Âge, désignent au plus juste la forme qu'a prise l'épopée dans la France médiévale, à partir de La Chanson de Roland (vers 1090) : la célébration des exploits (resgestae) des héros nationaux, au long d'un récit, psalmodié plutôt que chanté, par un récitant qui s'accompagnait à la vielle. Nous n'atteignons plus les chansons de geste que sous leur forme écrite. Mais la présence de la voix vive, les échos de la récitation, le jeu toujours ouvert de l'improvisation restent très sensibles dans la diversité des versions conservées d'un manuscrit à l'autre, dans la fréquence des interventions de jongleurs, dans la communication qui s'établit entre ce même jongleur et son public.

Histoire et épopée

Oëzseignor ! « Écoutez, seigneurs ! » La formule, vite ritualisée, des prologues de chansons de geste convoque un public essentiellement masculin mais qui n'est pas forcément, du moins pour les premières chansons de geste, un public populaire. Si la chanson de geste exalte en effet le plus souvent le passé national carolingien – histoire et légende indissolublement tissées –, elle célèbre surtout, avec les héros épiques, le groupe des guerriers, leurs valeurs de classe et leur fonction : l'exercice d'une prouesse au service de Dieu, du roi ou de soi-même. Et c'est à leurs descendants du xiie et du xiiie siècle qu'elle semble d'abord proposer des modèles du passé à réactualiser dans le temps présent, le temps des croisades en Terre sainte, de la reconquête de Jérusalem ou de la reconquista de l'Espagne musulmane, tous enjeux déjà présents dans La Chanson de Roland. À ce public, il n'est guère question d'apporter du nouveau, mais bien plutôt de célébrer en communion d'esprit une histoire qui est le bien de chacun.

L'art de la laisse

Texte fragmenté, renvoyant toujours à un plus vaste ensemble, la chanson de geste est sur le plan formel un art du discontinu. La laisse, séquence plus ou moins longue de vers décasyllabiques (plus rarement dodécasyllabiques) unis par la même assonance (ou, plus tardivement, par la même rime), est à la fois une unité narrative, rythmique et mélodique à l'intérieur de laquelle chaque vers forme très généralement une unité sémantique et syntaxique. Les contours des laisses sont fortement dessinés par la présence d'un vers d'intonation et d'un vers de conclusion, et chaque laisse à la fois se distingue et s'unit à celle qui la suit par la reprise, avec variation (on parle alors de laisses enchaînées), du dernier vers, ainsi que par le changement d'assonance. Mais, dans les moments de grande tension dramatique – comme pour la mort de Roland –, les laisses enchaînées peuvent céder la place aux laisses similaires. À l'intérieur des laisses ou de leur groupement, le récit se déploie à partir de formules, les clichés épiques, qui s'organisent à leur tour en motifs narratifs, la dimension esthétique comme l'attente du public reposant alors sur l'ingéniosité de la variation exécutée sur un sujet donné.

Évolution du genre

À partir de La Chanson de Roland, qui suppose déjà, dès ses premiers vers, un horizon d'attente très fortement constitué, la chanson de geste est fondée sur le retour de quelques grands héros : Charlemagne et les douze pairs de France ; Guillaume d'Orange et ses neveux ; Raoul de Cambrai ou Girart de Roussillon, suivis de la longue lignée des barons rebelles à l'autorité des rois de France ; ou bien encore les héros frénétiques de la geste des Lorrains. Dès la seconde moitié du xiie siècle, les chansons, d'abord dispersées, tendent à s'organiser en cycles. Bouleversant l'ordre de composition, elles s'ordonnent[...]

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Écrit par

  • : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
  • : chargé de recherche au C.N.R.S.
  • : docteur d'État (linguistique générale), directeur de recherche au C.N.R.S.
  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
  • : chargé de recherche de première classe au C.N.R.S., responsable de l'équipe cultures populaires, Islam périphérique, migrations au laboratoire d'ethnologie de l'université de Paris-X-Nanterre, expert consultant auprès de la C.E.E. D.G.V.-Bruxelles
  • : docteur ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études, Ve section (sciences religieuses)
  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
  • : docteur ès lettres et sciences humaines, directeur de recherche au C.N.R.S
  • : directeur de recherche au C.N.R.S.

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