ÉQUATIONS ALGÉBRIQUES
Dès la plus haute antiquité, on rencontre, à l'occasion de problèmes concrets, des exemples de résolution d'équations du premier et du second degré, et, jusqu'au début du xixe siècle, l'étude des équations constitue l'unique préoccupation des algébristes.
Le développement de la théorie est étroitement lié aux extensions successives de la notion de nombre : introduction des nombres négatifs, des nombres irrationnels, tandis que les formules de résolution de l'équation du troisième degré allaient conduire les algébristes italiens du xvie siècle à raisonner sur les nombres imaginaires (cf. nombres complexes).
Par analogie avec le cas des équations de degré inférieur ou égal à 4, les algébristes pensèrent que toute solution d'une équation pouvait s'exprimer par des radicaux portant sur les coefficients de l'équation. Par un hasard de l'histoire des sciences, les tentatives pour établir cette conjecture, pourtant mathématiquement saugrenue, allaient conduire à dégager les premières structures abstraites et être à l'origine de l'algèbre moderne.
Équations affines
On étudiera en premier lieu le développement historique des systèmes d'équations affines.
Premier exemple
Problème 69 du Papyrus Rhind (Égypte), vers 1700 avant notre ère : « Trois boisseaux et demi de farine sont transformés en 80 pains. Dis-moi combien chaque pain contient de farine et quelle est leur force. »
Rappelons que le boisseau (heqat) mesure environ 4,5 litres. Il est divisé en 1/2, 1/4, 1/8, 1/16, 1/32, 1/64 de boisseau et contient 320 « ros » (ou parties). La « force » d'un pain est la quantité de pains que peut fournir un boisseau de farine. Si x est cette force et si y est la quantité de farine contenue dans un pain, x et y sont – avec les mêmes unités – inverses l'un de l'autre. Le texte donne pour la force :
et, pour la quantité de farine contenue dans un pain, 3 boisseaux et demi divisés par 80, ou 1 120 ros divisés par 80, donnent 1/32 de boisseau et 4 ros.C'est un problème très élémentaire du type ax = b ou a = by. Toute la difficulté provient, au point de vue concret, du choix des unités de mesure et de leurs subdivisions, et, au point de vue abstrait, du calcul égyptien des fractions. Dans ce calcul, la notion de fraction générale n'est pas encore dégagée, ou, en langage actuel, l'ensemble Q+ n'est pas mis en évidence. À part la fraction 2/3, l'Égyptien ne calcule que par quantièmes ou fractions de numérateur 1. Ces errements se prolongeront très longtemps dans les littératures mathématiques grecque (collection héronienne), byzantine et occidentale.
Deuxième exemple
On peut trouver en Égypte des problèmes plus savants que le précédent, qui se ramènent au même type d'équation. Prenons cependant, dans la mathématique babylonienne, un deuxième exemple à peu près contemporain du précédent (E. Bruins et M. Rutten, Textes mathématiques de Suse) : « Un quart de la largeur, ajoute à la longueur : 7 mains... à 10... 10 c'est la somme. Largeur ? » En désignant la longueur par x, la largeur par y, on obtient le système x + y/4 = 7 ; x + y = 10. Voici la solution donnée dans la tablette : « Porte 7 à 4 du « quart » : 28 tu trouves ; tu soustrais 10 de 28 : 18 tu trouves. Dénoue l'inverse de 3 : 20 tu trouves ; porte 20 à 18 : 6 tu trouves : 6 la longueur ; tu soustrais 6 de 10 : 4, la largeur... »
Ce système de deux équations à deux inconnues est résolu suivant un procédé encore utilisé dans notre enseignement élémentaire. La numération utilisée est à base 60. La division est remplacée par la multiplication par l'inverse du diviseur.
Troisième exemple
La littérature chinoise offre, dans le même ordre d'idées, des exemples ultérieurs, parmi lesquels le suivant,[...]
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Écrit par
- Jean ITARD : agrégé de l'Université, membre correspondant de l'Académie internationale d'histoire des sciences
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