DIOPHANTIENNES ÉQUATIONS
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Méthodes géométriques
Pour classer les types d'équations, on utilise d'abord la dimension, ou nombre de variables indépendantes, du système proposé. Ainsi, en général, un système :

Déjà pour les courbes planes (une équation f (x, y) = 0), la classification par le degré s'avère trop grossière. Ainsi la théorie des cubiques planes à point double, comme :



Courbes de genre zéro
On dispose ici d'une analyse complète. En ce qui concerne les points rationnels, la démarche est la suivante. Toute courbe de genre zéro peut, par un changement de variables, être ramenée à une conique plane (D. Hilbert-A. Hurwitz, 1891), soit ax2 + by2 + c = 0. D'après le théorème de Legendre (cf. supra), les conditions de congruence permettent de décider si cette conique a un point rationnel. S'il y a un point rationnel, soit M0, on peut les décrire tous, au moyen d'une paramétrisation biunivoque :

Pour les points entiers sur une courbe de genre zéro, on dispose aussi d'une analyse complète (C. L. Siegel, 1929) : essentiellement, l'équation de Pell (cf. supra) est le seul cas non évident où il peut y avoir une infinité de points entiers.
Courbes de genre 1 : points rationnels
Ici, les conditions de congruence ne suffisent plus à assurer l'existence d'un point rationnel, comme le montre l'exemple 3 x3 + 4 y3 + 5 = 0 (E. S. Selmer, 1951). On dispose cependant d'un procédé remontant à Fermat (descente infinie) permettant d'étudier de telles courbes. C'est un problème ouvert de savoir si l'application systématique de ce procédé, conjointement avec les conditions de congruence, suffit toujours à déterminer la présence ou l'absence d'un point rationnel sur une courbe de genre 1.
Si l'on connaît un point rationnel sur une telle courbe, celle-ci peut être ramenée ( Poincaré, 1901) à une cubique plane non singulière :

Courbes de genre au moins égal à 2 : points rationnels
Parmi les courbes de genre au moins égal à 2, on trouve les courbes planes non singulières de degré au moins 4. Là encore, on ne peut ramener l'étude de telles courbes à l'étude de celles de genre inférieur ou égal à 1. On ne dispose d'aucun procédé permettant d'engendrer un nombre infini de solutions à partir d'un nombre fini d'entre elles. Mordell a ainsi conjecturé (1922) qu'une telle équation n'admettrait jamais qu'un nombre fini de solutions rationnelles. Cette conjecture a été démontrée par G. Faltings en juin 1983.
Points entiers sur les courbes de genre au moins 1
On dispose du théorème général de C. L. Siegel (1929) selon lequel une telle courbe n'a qu'un nombre fini de points entiers. La démonstration utilise d'une part le théorème de A. Weil (1928), étendant celui de Mordell, d'autre part la mauvaise approximation par des rationnels des irrationnels algébriques. Ce résultat englobe celui de Thue (1909), lui aussi fondé sur les approximations diophantiennes : l'équation

Dans beaucoup de cas, en particulier pour les équations y2 = P(x) où le polynôme P a au moins trois zéros distincts, A. Baker a donné des majorations effectives (mais grandes) pour la taille possible des solutions entières ; ainsi, pour l'équation de Thue ci-dessus :

Surfaces rationnelles
Les surfaces rationnelles sont les analogues en dimension 2 des courbes unicursales, celles qui peuvent être paramétrées de façon polynomiale si l'on autorise les coefficients des polynômes définissant le paramétrage à être des nombres complexes. Parmi celle-ci, on trouve les surfaces non singulières de l'espace ordinaire définies par une équation de degré 2 ( quadriques) ou 3 (surfaces cubiques), mais aussi des équations de degré supérieur, comme :

On est loin de disposer ici de résultats aussi satisfaisants que pour les courbes de genre zéro. Dans certains cas : quadriques (Hasse-Minkowski, cf. supra), surfaces cubiques


Si une quadrique a un point rationnel, on peut encore donner une paramétrisation polynomiale essentiellement biunivoque des points rationnels, en utilisant la même méthode que pour les coniques.
Une telle paramétrisation est encore possible pour une surface cubique de l'espace ordinaire, soit Σ, qui contient deux droites D et D′ définies par des équations à coefficients rationnels, et ne se coupant pas. Choisissons un plan π, d'équation ax + by + cz + d = 0, avec a, b, c, d rationnels. Pour M un point rationnel du plan π, la droite DM, intersection des deux plans engendrés l'un par (M, D), l'autre par (M, D′), est définie par des équations à coefficients rationnels. Elle coupe la surface cubique Σ en trois points : celui qui est situé sur D et celui qui est situé sur D' sont définis par des équations à coefficients rationnels, le troisième, soit f (M), est donc à coordonnées rationnelles. On vérifie que la correspondance qui à M associe f (M) définit une paramétrisation polynomiale essentiellement biunivoque des points rationnels de Σ par ceux de π. C'est ainsi qu'on trouve la solution générale due à Euler de l'équation : x3 + y3 + z3 = 1

Des méthodes fines de géométrie algébrique montrent qu'une telle paramétrisation polynomiale biunivoque à coefficients rationnels est souvent impossible, ainsi pour :



En s'inspirant de la méthode de Mordell-Weil, F. Châtelet (1959) a montré qu'un nombre fini de solutions paramétriques polynomiales (à 4 variables) permet de décrire toutes les solutions rationnelles de :


Pour les points entiers des surfaces cubiques, on a des résultats épars. Soit par exemple l'équation :


Pour :

On conjecture (P. Erdös, E. G. Straus) que l'équation :

Surfaces analogues aux courbes de genre 1
L'analogue immédiat, du point de vue de la géométrie algébrique, consiste en les surfaces abéliennes (pour lesquelles il est difficile de donner des équations !). Le théorème de A. Weil (1928) nous renseigne sur les points rationnels, mais on ignore s'il n'y a qu'un nombre fini de points entiers.
Un autre analogue consiste en les surfaces non singulières de l'espace ordinaire, de degré 4. Une conjecture d' Euler affirme que l'équation :



Surfaces analogues aux courbes de genre au moins 2
Parmi celles-ci, on trouve les surfaces non singulières d'équation :

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Écrit par
- Jean-Louis COLLIOT-THÉLÈNE : chargé de recherche au C.N.R.S.
- Marcel DAVID : professeur à la faculté des sciences de Reims
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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