TABARLY ÉRIC (1931-1998)
Le marin d'exception
C'est à bord de Pen-Duick-II que Tabarly remporte, en 1964, la course transatlantique en solitaire en vingt-sept jours et trois heures, devançant le Britannique Francis Chichester, vainqueur de la première édition (1960). Pour cette course, l'enseigne de vaisseau de la Marine nationale a choisi de naviguer sur un bateau long, pour être rapide (13,60 m hors tout) et léger (en contre-plaqué marine), pour être manœuvré efficacement par un homme seul. Cette victoire lui permet, à l'âge de trente-deux ans, d'entrer dans la légende. Elle donne aux Français le signal de la ruée vers l'eau. Dès 1965, la production nautique fait un bond considérable. Deux années plus tard, l'avènement du polyester va permettre la construction de bateaux en grande série.
Chez le marin-architecte Tabarly, une chose étonne : cette faculté de montrer, au-delà d'un caractère forgé par la tradition, des clairvoyances d'une grande modernité. Ses inventions lui font précéder la mode. Si Pen-Duick-II, en 1964, est particulièrement grand et léger pour un solitaire, Pen-Duick-III (17,40 m hors tout) exploite astucieusement un « trou » dans le règlement de 1967 des courses en équipage en utilisant, sur un gréement de goélette, à wishbone, une importante grand-voile dont la surface n'est pas entièrement prise en compte pour la jauge. Avec ce bateau, construit cette fois en aluminium (matériau qui sera utilisé pour tous ses autres bateaux), Tabarly remporte sept victoires dont la plus belle est celle du Fastnet. Pen-Duick-IV, trimaran d'une longueur de 20,80 m hors tout équipé de deux mâts-ailes et de grand-voiles entièrement lattées, est monstrueux pour 1968 et représente le premier multicoque de haute mer du monde. Engagé avec ce bateau révolutionnaire dans la troisième édition de la Transatlantique en solitaire (1968), Tabarly est contraint à l'abandon à la suite d'un abordage avec un cargo. Quatre ans plus tard, Alain Colas remportera cette course avec ce même bateau, qui sera par la suite rebaptisé Manureva. Pour la Transpacifique de 1969, Pen-Duick-V possède des ballasts destinés à renforcer la stabilité du bateau avec de l'eau de mer pompée à bord. Il faudra attendre les courses autour du monde des années 1980 pour voir se répandre de tels dispositifs de rappel. Tabarly crée la surprise en remportant l'épreuve en trente-neuf jours, le deuxième, le Français Jean-Yves Terlain, arrivant onze jours plus tard. Pen-Duick-VI, dessiné par André Mauric, dispose d'un formidable équilibre sous voile. Une qualité qui permet à Tabarly de gagner, en 1976, sa seconde Transat, seul à bord de ce bateau de plus de 22 mètres hors tout et en dépit d'une panne de pilote automatique. Toujours à la recherche d'idées nouvelles, il fait construire en 1979 un trimaran muni de foils, Paul-Ricard, qui pulvérise, en juin 1980, en 10 jours 5 heures 14 minutes et 20 secondes, le record de la traversée de l'Atlantique en équipage établi en 1905 par Charlie Barr (12 jours, 4 heures et 1 minute) avec la goélette Atlantic. Il met ainsi en place la technique des foils dans le domaine de la haute mer. Ces plans porteurs permettent à la coque de « sortir » de l'eau, la diminution de la résistance de frottement augmentant ainsi la vitesse du bateau. L'Hydroptère d'Alain Thébault est le prolongement du travail de Tabarly sur Paul-Ricard.
Tabarly aura navigué toute sa vie. Les dernières années de son existence, il navigua surtout en croisière en Méditerranée, en Bretagne et aux Antilles, mais il prit également part à des compétitions. Lors de la Whitbread 1993-1994 (course autour du monde en équipage), il est appelé en renfort pour remplacer Daniel Mallé à la barre de La Poste au départ d'Auckland. La dernière grande épreuve qu'il remporte est Le Havre-Carthagène[...]
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Écrit par
- Daniel GILLES
: journaliste, rédacteur en chef de la revue
Bateaux - Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Média