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WEIL ERIC (1904-1977)

De 1923 à 1927, Eric Weil, né à Parchim (Allemagne), eut principalement pour maîtres Max Dessoir à Berlin et surtout Ernst Cassirer à Hambourg. Dans sa thèse de doctorat de 1928 sur Pietro Pomponazzi (1462-1524), on retrouve l'admiration d'Ernst Cassirer pour l'homme de la Renaissance, se pensant lui-même comme centre de l'univers. En 1933, Weil émigre pour fuir le nazisme et son antisémitisme. Fixé en France, il y est naturalisé en 1938, prend part à la Seconde Guerre mondiale, est fait prisonnier en 1940 et rentre en 1945. Il participe alors aux travaux de l'École des hautes études à Paris, obtient le doctorat en philosophie avec sa thèse Logique de la philosophie parue en 1950 et se fait connaître internationalement par plusieurs livres importants : Hegel et l'État (1950) – qui a beaucoup contribué à écarter de fausses interprétations, comme celles qui voient en Hegel le philosophe de la réaction ou, au contraire, un prémarxiste –, Philosophie politique (1956), Philosophie morale (1961), Problèmes kantiens (1963). D'une série de très nombreux articles, recensions et communications, une partie a été réunie dans Essais et conférences (1970 et 1971). L'Encyclopædia Universalis doit à Eric Weil plusieurs articles remarquables : « Morale », « Philosophie politique », « Pratique et Praxis », « Raison ». Il fut professeur de philosophie à l'université de Lille à partir de 1956 et y organisa en 1968 le IIIe congrès de l'Association hégélienne internationale sur le thème « Hegel. L'esprit objectif, l'unité de l'histoire » ; puis il enseigna à Nice de 1968 à 1974. Après la guerre, il avait retrouvé en Allemagne de fidèles amis et il fut promu docteur honoris causa de l'université de Münster en 1969. Les maîtres préférés de Eric Weil sont surtout les Grecs (spécialement Aristote), Kant et Hegel. Mais il se défiait de la systématisation hégélienne qui prétend construire le particulier et l'individuel à partir de l'universel et s'élever au Savoir absolu. Il était lui-même, disait-il, plutôt un « kantien posthégélien », très conscient des limites de la condition humaine. L'homme, pense-t-il, est un être fini, besogneux, inquiet, voué à l'action et intéressé, mais infini par sa liberté et qui, parce qu'il parle, parce qu'il est doué de raison, peut librement s'efforcer de se comprendre et de comprendre les autres, s'efforcer de rechercher la vérité, de vivre d'une manière sensée, raisonnable et de promouvoir un monde de liberté et de justice. L'homme peut élaborer un discours cohérent, universellement valable où il se comprend dans l'infini, en lequel il se voit lui-même en s'y opposant.

Pour Eric Weil, la philosophie est essentiellement recherche de la vérité ; elle est toujours en marche vers l'infini de la vérité, jamais atteint, mais de plus en plus présent dans un savoir qui est contemplation et sagesse sans se séparer de l'action. Elle est un discours qui porte sur le bien et le mal, sur la fin et le sens de l'existence humaine, qui enseigne à tout homme comment se décider s'il veut être raisonnable, quels buts méritent d'être poursuivis, comment la société doit être organisée pour que se réalise une vie sensée. L'objet propre au discours philosophique est une totalité parfaitement intelligible par des concepts, mais qui ne peut jamais être donnée comme un fait parmi les faits. La philosophie ne fait pas connaître des êtres, elle fait comprendre ; elle n'est donc ni une ontologie ni une science, bien qu'elle soit scientifique par la rigueur de sa méthode.

Elle considère l'homme non pas comme un objet mais comme un sujet, une liberté. Par là, elle se distingue des « sciences humaines » – pour lesquelles l'homme est un objet[...]

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Écrit par

  • : directeur de la revue Archives de philosophie, professeur au Centre Sèvres, Paris

Classification

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