MENDELSOHN ERICH (1887-1953)
Erich Mendelsohn est, avec Bruno Taut, Walter Gropius ou Ludwig Mies van der Rohe, l'un des architectes allemands qui contribuèrent à la formation des courants modernistes de l'architecture européenne. Comparée à ses nombreux projets et réalisations, à son parcours intellectuel (les livres et les nombreux textes dans lesquels il explicite ses positions font de lui un important théoricien), la fortune critique de Mendelsohn semble pourtant paradoxale : dès 1920, son travail est l'objet de monographies et il exerce une influence en Allemagne, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis ; mais masqués par une réalisation précoce à la fois emblématique et réductrice (la tour Einstein construite à Potsdam en 1920-1922), l'importance et la complexité de son œuvre ont été notablement amoindries par certains historiens de l'architecture moderne, qui y voyaient un « manque de pureté » et des « anomalies » (Henry-Russel Hitchcock) ou l'excluront totalement (Sigfried Giedion) ; en revanche Bruno Zevi le considérera comme une des figures de référence, avec Wright, dans sa lecture d'une architecture « organique ».
Visions expressionnistes et dynamiques
Né en Prusse orientale en 1887, Mendelsohn reçoit entre 1908 et 1912 une formation d'architecte à Berlin puis à Munich. Avant la Première Guerre mondiale, il aurait surtout travaillé dans le milieu du théâtre et commence son intense activité de dessinateur. Ses esquisses exécutées très rapidement à l'aide de quelques traits à l'encre ou au crayon sont les transcriptions de visions intérieures, dans une conception de l'architecture à la fois individuelle, résolument artistique et en quête de l'expression d'une « tension » nouvelle, liée au monde industriel moderne. Il participe à la guerre, d'abord sur le front russe puis sur le front français, multipliant dessins et réflexions théoriques (ses lettres à Luise, son épouse depuis 1915, sont d'un grand intérêt ; elles ont été publiées par le critique Oskar Beyer en 1961). Le dessin constituera dès lors, avec l'inspiration musicale, la base permanente de son travail.
Après la guerre, Mendelsohn s'installe à Berlin où ses dessins font l'objet d'une exposition en 1919 (Architecture en acier et en béton) qui, malgré son faible succès, retiendra l'attention de quelques critiques. À partir de 1920, il travaille sur son premier édifice important directement issu de ses recherches par le dessin, la tour observatoire de l'institut d'astrophysique de Potsdam (tour Einstein) terminée en 1922, qui est rapidement considérée comme l'une des principales œuvres construites représentatives de l'« expressionnisme » en Allemagne. Dès 1923, Mendelsohn s'éloigne pourtant des positions « expressionnistes » et se fixe un programme de « réconciliation » associant des caractères rationnels et visionnaires de l'architecture. Les observations qu'il rapporte de ses voyages aux États-Unis (1924) et en U.R.S.S. (1925 et 1926) contribuent à renforcer son engagement en faveur d'une architecture « dynamique » indissociable de la modernité de la métropole.
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Écrit par
- Hugues FONTENAS : architecte, docteur en histoire de l'art, enseignant à l'école d'architecture de Paris-Malaquais
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