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KARLFELDT ERIK AXEL (1864-1931)

Aborder l'œuvre extrêmement originale de ce poète suédois implique deux présupposés : d'abord, que l'on connaisse bien les fameuses peintures murales de Dalécarlie, province du centre de la Suède, naïves et colorées à souhait, qui illustrent avec ingénuité quelque passage de la Bible ; ensuite, que l'on se rappelle que Linné était suédois et qu'en ce pays tout homme bien né vit en symbiose étroite avec la flore et la faune. Musique, nature et petit peuple d'une des plus pittoresques provinces du Nord, telles sont les composantes d'une inspiration dont la fraîcheur et la sympathie font le prix.

Karlfeldt s'appelait en vérité Eriksson. Il naquit en Dalécarlie. Son enfance et sa jeunesse sont sans histoire si ce n'est que, par la force des choses, les paysages de Dalécarlie — lacs, forêts, villages et fermes aux couleurs vives — et leurs habitants en constituent la toile de fond. Ses examens passés, en 1898, il enseigne puis devient bibliothécaire.

Dès son premier recueil de poèmes, Chansons du désert et chansons d'amour (1895), tous ses thèmes sont en place : dans une forme d'une extrême simplicité, qui s'entend admirablement à faire chanter les sonorités du suédois, il exalte, non sans réminiscences romantiques, la grande nature à demi sauvage du Nord, sans trop d'idéalisation, avec un sens aigu de la réalité et, surtout, une sorte de fascination pour les motifs qui, depuis le Moyen Âge, sous-tendent un folklore d'une belle richesse. Mais c'est à dater de 1898 qu'il conçoit son principal personnage poétique, appelé à connaître dans son pays une belle popularité, ce Fridolin qu'il définit comme « un homme instruit, d'origine paysanne, qui est revenu au monde de ses pères quand il lui a paru séduisant de creuser la terre après avoir perdu tout son temps à ne fouiller que dans les livres ». Les Chansons de Fridolin (1898) forment un curieux recueil poétique où joie de vivre, voire jovialité populaire, et mélancolie se mêlent. La bonne humeur vient de ce fond de vieille culture populaire doré par le romantisme du souvenir, les touches plus graves sont dictées par le sentiment de tout ce que nous avons perdu en passant au modernisme. Le Jardin d'Éden de Fridolin (1901) introduit un élément nouveau qui a, plus que tout, contribué à la gloire du poète. Un certain nombre de pièces s'attachent à y décrire les célèbres peintures murales (dalmålningar) de Dalécarlie ou, plutôt, à en restituer, en vers libres, l'atmosphère et la tendresse. Les peintres populaires qui ont décoré dessus de portes et voûtes d'églises de scènes bibliques adaptées à leur goût — on y voit le jardin d'Éden, Élie sur son char, Jonas dans la bouche de la baleine, mais tous en costumes suédois modernes avec bicornes et parapluie au bras — ont voulu parler simplement, candidement à leurs semblables, et c'est cela que Karlfeldt sait merveilleusement retrouver.

Devenu célèbre, il compose deux recueils encore à la gloire de la sagesse populaire : Flore et Pomone (1906) et Flore et Bellone (1918). Restent les Pensées et propos (publication posthume, 1932) et ce Cor d'automne (1927) où l'inspiration religieuse a définitivement pris le dessus. À quoi bon déplorer ? La vie et la mort sont de l'homme, résignons-nous à nous réconcilier avec celle-ci comme nous avons spontanément tant aimé celle-là. Nous avons aimé, bu, chanté, vécu sub lunasub luna morior.

Ce dernier recueil avait décidé les augures à décerner à Erik Axel Karlfeldt le prix Nobel : il refusa par modestie ; ce n'est qu'après sa mort, en 1931, qu'il lui fut acquis. À juste titre, s'il faut le dire : il reste un artiste qui sut faire chanter le vers suédois comme bien peu de ses compatriotes, un homme du Nord, dont l'inspiration ne se pouvait concevoir sans la[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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    ...Guitare et accordéon (1891) ou Éclats et lambeaux (1896) son angoisse de ne pouvoir accorder la laideur de la réalité aux blandices du rêve, et à Erik Axel Karlfeldt (1864-1931), qui chanta en vers robustes et d'apparence naïve sa Dalécarlie natale dans Chansons de Fridolin (1898) : par là...