GEIJER ERIK GUSTAF (1783-1847)
Le romantisme suédois a pris d'emblée une allure originale et il le doit à quelques personnalités de marque au premier rang desquelles il convient de placer Erik Gustaf Geijer, professeur d'histoire à l'université d'Uppsala.
Dans la mesure où un rêve d'absolu, une perpétuelle tendance au mysticisme vague prévalent dans le Nord, on peut bien dire qu'un romantisme fondamental préside aux destinées littéraires de la Suède. Pourtant, ce pays extrêmement ouvert aux influences étrangères, en littérature surtout, a trop de sens pratique, trop d'attaches aussi avec un décor naturel perpétuellement offert pour verser dans les excès de la révolte ou de l'idéalisation. De plus, la Suède a toujours été fascinée par son passé prestigieux, qu'il soit proche ou lointain : voilà réunies toutes les composantes auxquelles Geijer devait donner forme durable. C'est un des fondateurs de l'association Götiska Förbundet, qui s'inspirait des rêveries de O. Rudbeck pour asseoir la grandeur suédoise sur des antiquités nationales, véridiques ou inventées, que l'époque redécouvrait avec passion. De là devait venir la tendance, car on ne peut parler de mouvement véritable, en l'occurrence, à laquelle on a donné le nom de göticisme et qui s'exprime dans la revue Iduna. Elle allait, précisément sous l'impulsion très active de Geijer, développer l'étude du passé nordique et ranimer les anciens idéaux « vikings ». Dans des poèmes d'une très belle venue musicale, malgré leur solennité, comme Le Viking (Vikingen), abondamment traduit et glosé par X. Marmier en France, ou Le Paysan libre (Odalbonden), Geijer exaltait les grands ancêtres, libres, forts et purs. Il allait faire plus : à l'exemple de Grimm, et en collaboration avec Afzelius, il allait rassembler et publier des chants populaires suédois qui ouvriraient la voie aux folkloristes scandinaves et trouveraient d'ardents zélateurs dans les autres pays scandinaves. En outre, il s'appliqua à retracer sur des bases plus scientifiques, à l'échelle du temps, l'histoire de son pays dans des ouvrages qui, s'ils portent la marque de leur époque, tels que les Annales du royaume suédois (Svea rikets hafder, 1825, inachevé), l'Histoire du peuple suédois (Svenska folkets historia, 1832-1836), Conférences sur l'histoire de l'humanité (Föreläsningar över människans historia, 1841-1842), restent intéressants par les vues grandioses, souvent géniales, qu'ils développent et par la conscience attentive qu'ils manifestent de la personnalité du petit peuple. C'est que Geijer avait su assimiler de nombreuses influences venues d'Allemagne (F. Schlegel et Herder surtout), d'Angleterre (il traduira Macbeth en 1813) et de France pour réaliser un équilibre qui manque souvent à ses modèles. De plus, théoricien tenté par la philosophie mais refusant de se couper de l'observation des réalités, il finit par développer une vision de l'histoire originale parce qu'attentive aux forces vives qui mènent les destinées de l'humanité, en sorte que, après 1838, il passe franchement au libéralisme politique, retrouvant ainsi effectivement l'une des tendances profondes de son peuple à la démocratie et à la liberté.
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Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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SUÈDE
- Écrit par Régis BOYER , Michel CABOURET , Maurice CARREZ , Georges CHABOT , Encyclopædia Universalis , Jean-Claude MAITROT , Jean-Pierre MOUSSON-LESTANG , Lucien MUSSET , Claude NORDMANN et Jean PARENT
- 35 770 mots
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Le professeur Erik Gustaf Geijer (1783-1847) et le professeur Esaïas Tegnér (1782-1846), qui deviendra évêque, tentent de le résoudre par un retour aux sources historiques. Le premier est le plus illustre fondateur de Götiska Förbundet (1811), l'Union gothique qui voulait revivifier la Suède en lui inculquant...