LINDEGREN ERIK (1910-1968)
Après une jeunesse studieuse et sans histoire, cet écrivain suédois s'impose d'un coup par un recueil de poèmes, L'Homme sans voie (1940), ouvrage visionnaire et étrange né du chaos ambiant suscité par une actualité apocalyptique et qui passe en revue les diverses attitudes possibles devant la vie, pour choisir finalement une position désespérée et paradoxale : « forcé par les ténèbres à se souvenir, sans foi, de la lumière ». Il y oppose un monde en désordre et incompréhensible aux « morts vivants » représentés par les divers courants de la tradition spirituelle. Il faudrait trouver une issue à cet « homme sans voie » que nous sommes devenus. Déjà s'affirme ce qui restera la marque de cet auteur : une science extrême de la composition, un sens admirable de la métaphore et de l'association d'images. L'activité de Lindegren déborde d'ailleurs largement le cadre de la stricte poésie. Critique littéraire très écouté, il joue un rôle éminent comme diffuseur de tous les grands courants artistiques modernes et traduit les plus grands noms de la poésie française, anglaise ou allemande du xxe siècle. Un deuxième recueil de poèmes, Suites (1947), pratique un art de la variation très proche de la musique. Le Sacre d'hiver (1954), sur le thème de la fatigue et du froid, permet de percer le secret d'une inspiration qui oscille entre forces vives de la nature (l'eau et le feu notamment) et les domaines de la stérilité (désert, glace, neige), c'est-à-dire entre un sentiment volontiers romantique — quoique tempéré par un penchant « morbide », faisant de la dysharmonie une norme esthétique —, et la lucidité toute classique qui s'attache à la rigueur formelle dans le respect de la tradition. L'œuvre altière et profonde de Lindegren est l'un des rares essais réussis de poésie métaphysique en Suède.
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Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Autres références
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BLOMDAHL KARL BIRGER (1916-1968)
- Écrit par Michel VINCENT
- 915 mots