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SATIE ERIK (1866-1925)

Un sage visionnaire

L'intransigeance de Satie s'allie donc avec ses goûts d'indépendance et une nature profondément originale. Cette originalité le conduit, paradoxalement, à sacrifier à la mode d'alors (grand feutre, cheveux longs, barbiche effilée et lavallière), simplement, semble-t-il, pour ne pas se faire remarquer, car il adopte un logis discret et si exigu qu'on le surnomme « le placard ». Mais la même originalité se révèle tout entière dans ses premières œuvres : Ogives (1886), Sarabandes (1887), Gymnopédies (1888) et Gnossiennes (1890). Satie, qui s'émerveille de tout, qui se plaît à fréquenter les cabarets chantants et les auberges littéraires, mais qui hante aussi les voûtes de Notre-Dame sous lesquelles il s'exalte aux cérémonies liturgiques et s'imprègne de chant grégorien, livre alors à l'attention étonnée des milieux musicaux des œuvres dans lesquelles non seulement la forme est inattendue, mais où l'on trouve la prémonition de tout ce qui caractérise le langage harmonique de la musique à venir. Ce sont des compositions lumineuses, transparentes, à la ligne si pure, si ferme et d'une courbe si parfaite qu'elle demeure fixée, soutenue par des harmonies fixes et dont l'enchaînement inhabituel crée un charme pénétrant, appartenant à ce « frisson nouveau » que Baudelaire décelait dans les œuvres chargées de sensations inouïes. Debussy, d'ailleurs, ne devait pas s'y tromper, puisque, après avoir accordé son amitié à Satie qu'il appelait un « musicien médiéval et doux », il orchestra deux des Gymnopédies. On doit au Satie de cette époque des agrégations sonores savoureuses et mystérieuses, des enchaînements d'accords de neuvième qui furent, quelque temps après, utilisés, parfois avec moins de bonheur, par les musiciens dits impressionnistes. C'est sans doute à cause de ce goût pour une forme de rêve raisonnable et mystique que, alors pianiste au Chat-Noir, accompagnateur du chansonnier Vincent Hyspa, Satie fut séduit par un étrange personnage qui se faisait appeler le sār Peladan (en réalité Joséphin Peladan), auteur de L'Androgyne et du Vice suprême. Sous l'influence du sār, il écrit des Sonneries pour la Rose-Croix, puis, sur un texte de Peladan, une œuvre dramatico-lyrique : Le Fils des étoiles (1891). L'écriture harmonique est encore celle des premières œuvres, et on y trouve des mouvements parallèles d'accords majestueux dont l'ensemble a des résonances architecturales. Il fonde, lui aussi, une secte : l'Église métropolitaine d'art de Jésus-Conducteur et lance des anathèmes contre les « malfaiteurs spéculant sur la corruption humaine ».

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Écrit par

  • : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

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