WILL ERNEST (1913-1997)
L'archéologue Ernest Will, est mort le 24 septembre 1997. Né le 25 avril 1913 à Uhrwiller (Haut-Rhin), après ses études secondaires au gymnase protestant de Strasbourg, il entre à l'École normale supérieure (1933), est reçu à l'agrégation de Lettres classiques (1936) et part pour l'École française d'Athènes (1937), où il travaille à Thasos, à Délos et à Delphes. La guerre écourte son séjour : il est brièvement mobilisé au Liban avant de regagner la France. En 1946, sa carrière scientifique prend un virage décisif : Henri Seyrig l'appelle à Beyrouth comme pensionnaire de l'Institut français d'archéologie qu'il vient d'y fonder. Le Proche-Orient hellénisé sera désormais son terrain de prédilection. Après son retour en France (1951), sa carrière universitaire le conduit d'abord à Lille puis à la Sorbonne comme professeur de langue et littérature grecques (1963) et comme professeur d'art et archéologie (1970). Il est élu membre libre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1973.
Sans se limiter à un seul domaine, Ernest Will aura marqué par ses travaux sur l'art et l'archéologie du Proche-Orient hellénisé. Sa thèse sur le relief cultuel le confrontait au difficile problème des syncrétismes culturels et religieux. Sans renier ce goût pour la sculpture, il fut tôt attiré par les questions d'architecture. H. Seyrig l'avait associé à la publication consacrée au prestigieux temple de Bêl à Palmyre, et il fut l'initiateur des fouilles du palais des Tobiades en Jordanie. Mais il s'intéressa aussi bien aux monuments des cultes orientaux en Méditerranée (à Délos ou à Rome), multiplia les études savantes sur les rites, les représentations, les pratiques funéraires, les questions d'urbanisme, voire les aspects économiques et sociaux, faisant vers la fin de sa vie la synthèse de ces multiples préoccupations dans un brillant petit livre consacré aux Palmyréniens. Mais quel que soit le domaine d'étude, il avait le sens du concret, s'attachait à comprendre les implications pratiques des phénomènes, écoutait avec attention les techniciens qui mettaient en évidence l'impossibilité ou l'absurdité de solutions théoriques jamais expérimentées.
Ernest Will fut aussi homme de responsabilités. Longtemps directeur des Antiquités historiques Nord-Picardie (jusqu'en 1968), il y relança les fouilles de Bavay au moment où Roger Agache faisait faire des progrès décisifs à l'archéologie aérienne. Mais c'est au Proche-Orient qu'il donna toute sa mesure. Succédant à Daniel Schlumberger comme directeur de l'Institut français d'archéologie de Beyrouth, il eut à cœur de rénover ce qui n'était encore qu'une bibliothèque réservée à quelques privilégiés. Il avait à peine engagé l'Institut dans la fouille de Tell Arqa (Nord-Liban) qu'éclatait la guerre du Liban. Il lui fallut lutter pied à pied et négocier habilement pour protéger l'Institut, mettre la bibliothèque à l'abri et préparer l'avenir. Dans les pires conditions et témoignant d'un rare courage, il parvint non seulement à sauver l'Institut mais à lui donner un nouvel élan. Ouvrant d'abord une antenne à Amman (Jordanie), il lançait la coopération avec les Jordaniens par le programme d'Iraq al-Amir, amenait l'I.G.N. à Pétra, engageait l'Institut dans le programme international de Jérash. Une antenne à Damas ouverte peu après devint le centre principal de l'Institut dont la vocation élargie était rappelée par un changement de nom : en 1977, il devenait l'Institut français d'archéologie du Proche-Orient (I.F.A.P.O.). À son départ en 1980, Ernest Will laissait un Institut profondément renouvelé, en plein travail dans deux des trois pays de son champ d'action.[...]
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Écrit par
- Maurice SARTRE : professeur émérite d'histoire ancienne à l'université de Tours
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