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BUONAIUTI ERNESTO (1881-1946)

La figure la plus marquante et la plus riche du modernisme italien, la plus complexe aussi. Dès avant son ordination en 1903, Ernesto Buonaiuti avait été appelé à enseigner la philosophie dans un des séminaires romains, puis à remplacer son maître Benigni comme professeur d'histoire. Destitué de sa chaire en 1906 en raison de ses tendances, il reçoit un poste d'archiviste, dont il est également écarté en 1911, à la suite d'un procès en diffamation qui visait une de ses relations et qui tourna en procès du modernisme (cf. É. Poulat, Intégrisme et catholicisme intégral, 1969). Directeur de deux périodiques savants et condamnés, il était en effet soupçonné d'être l'auteur de brochures anonymes corrosives, mais apparaissait peut-être surtout comme l'inspirateur et le leader du groupe moderniste romain, dont le radicalisme juvénile plus que l'extension inquiétait fort le pape et son entourage.

En 1915, Buonaiuti obtint au concours la chaire d'histoire du christianisme à l'université de Rome. Ses relations avec les autorités ecclésiastiques continuèrent à se détériorer jusqu'à son excommunication nominative en 1925. L'année suivante, il fut destitué de sa chaire par le gouvernement fasciste à la demande du Saint-Siège, alors que s'engageaient les négociations en vue du règlement de la question romaine. La conclusion du traité du Latran et la signature d'un concordat (1929) l'obligèrent à déposer la soutane. En 1931, ayant, avec une trentaine de collègues, refusé de prêter le serment fasciste, il fut radié de l'Université. En 1944, le Saint-Office mit pour la troisième fois ses œuvres complètes à l'Index et, à la Libération, le Saint-Siège obtint du gouvernement italien que sa chaire ne lui fût pas rendue.

Malgré ces difficultés, il a su s'attacher des disciples fervents, sensibles à sa religiosité, et les former à une activité scientifique que Loisy, avec lequel il n'avait jamais sympathisé, jugeait déjà « très appréciable » en 1931. Sa bibliographie, très étendue, a été rassemblée par Marcella Rava (Florence, 1951), en l'attente d'une biographie dont ne dispensent pas les nombreuses études qui lui ont déjà été consacrées. Fondamentale demeure son autobiographie, Pellegrino di Roma (2e éd., Bari, 1964). « Un seul idéal, confiait-il dans son testament spirituel, a constamment soutenu ma vie : revendiquer les authentiques valeurs chrétiennes, contribuer à leur transfusion dans cette nouvelle civilisation œcuménique dont une génération, à travers ses souffrances, a vu se profiler à l'horizon les premières lueurs. » Ses adversaires pensaient plutôt qu'il jouait à leur échapper. Ce n'est pas incompatible.

— Émile POULAT

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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