ROGERS ERNESTO N. (1909-1969)
La carrière d'architecte d'Ernesto N. Rogers est associée à celle du groupe qu'il forme au début des années 1930 avec Gian Luigi Banfi, Ludovico Belgiojoso, Enrico Peressutti : B.B.P.R. (leurs initiales). Parallèlement, il devient un des principaux animateurs de la réflexion théorique sur l'architecture moderne en Italie.
À la sixième triennale de Milan, en 1936, le groupe présente une de ses premières réalisations, à savoir une série d'habitations étudiée par chacun des membres. Appartenant à la tendance « rationaliste » qui s'oppose à celle qui est issue du mouvement Novecento, les B.B.P.R. sont d'abord les introducteurs en Italie d'une expérience de planification moderne à l'occasion d'une commande de l'industriel Adriano Olivetti pour le plan directeur du Val d'Aoste. Ils mènent simultanément études économiques, géographiques, démographiques et historiques, selon les principes de l'« urbanisme corporatif », pour mettre en place, entre les plans de développement nationaux liés à des activités économiques précises et les plans à caractère strictement urbanistique, un organe intermédiaire à vocation opérationnelle qui réponde à la fois au développement urbain et à la création ou à la restructuration des activités économiques. En 1939, le Centre d'héliothérapie de Legnano manifeste les traits caractéristiques de ce que deviendra l'architecture moderne italienne à la suite du mouvement rationaliste : volonté de dialogue critique avec la modernité, par l'introduction de formes plus ou moins reprises à la tradition et l'utilisation de matériaux et de méthodes de mise en œuvre locaux. En 1942, le concours pour l'Exposition universelle de Rome (E.U.R. 42) entérine la défaite du rationalisme dont les animateurs passent à la résistance au régime. Le Monument de Milan, construit en 1946 à la mémoire des victimes des camps de concentration, est une sorte d'hommage au mouvement rationaliste et l'expression de sa prolongation après la chute du fascisme. À cette date, Ernesto N. Rogers remplace Giò Ponti comme rédacteur en chef de Domus. Il occupe ce poste deux ans et se consacre à imposer l'idée d'une responsabilité sociale de l'architecte. La revue Casabella, organe du rationalisme avant la guerre, interdite en 1943, reparaît en 1954 sous sa direction et devient la tribune où s'exprime une nouvelle génération d'architectes qui après les hésitations formalistes des années de l'immédiat après-guerre développent une approche que l'on a qualifiée de néo-réaliste. Le débat tourne autour de la place à donner à la réalité, dans ses aspects sociaux, urbains et historiques. Il s'agit de définir la nature des interventions de l'architecte aussi bien du point de vue des programmes que du vocabulaire architectural. Dans une série d'éditoriaux et dans un ouvrage paru en 1958 (Esperienza dell' architettura), Rogers insiste sur l'importance de la critique et de l'approche historique pour résoudre les problèmes de l'environnement urbain, ainsi que sur les responsabilités des architectes vis-à-vis de la tradition.
Rogers a permis à l'architecture italienne de la seconde moitié du xxe siècle d'avoir ses caractères spécifiques : méthodes d'analyse urbaine fondées sur le repérage des typologies des bâtiments et des tracés, souci de l'intégration aux tissus existants, travail sur le détail architectural, volonté de synthèse entre tradition et modernité.
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Écrit par
- Jean-Étienne GRISLAIN : historien, enseignant à l'unité pédagogique d'architecture de Lille
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