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JÜNGER ERNST (1895-1998)

Peu d'écrivains allemands contemporains ont fait l'objet de controverses aussi vives qu'Ernst Jünger. Sa personnalité comme son œuvre – et chacune témoigne pour l'autre dans un échange réciproque – ont suscité autant d'enthousiasmes sans réserve que d'attaques passionnées. Même si l'hostilité politique nuit parfois outre-Rhin à une appréciation impartiale de ses écrits, le nombre des études universitaires qui lui sont consacrées, la richesse de ses correspondances, dont les publications posthumes se multiplient, confirment sa stature d'écrivain majeur. En France, où l'impeccable perfection de son style lui avait longtemps assuré un statut littéraire privilégié, l'orientation moralisante de certains critiques allemands fait aujourd’hui quelques émules, sans toutefois remettre en cause la réception généralement favorable de l'écrivain.

Le guerrier déconcertant

Même si les solutions qu'il suggère ne sont pas toujours de celles que valorisent les modes intellectuelles, sa méditation se situe au cœur même d'une problématique de la modernité : réflexion sur la violence et la guerre, l'avènement de la technique et la signification de l'histoire, la liberté individuelle et l'oppression de l'État, la permanence du sacré et la mort de Dieu, les puissances de la langue comme fondement du séjour humain. Héros exemplaire au sortir de la Première Guerre mondiale, il tire de notes éparses prises sur le champ de bataille un grand livre, Orages d'acier, qui lui vaut la célébrité immédiate et l'admiration de ces anciens combattants que regroupe l'association des « Casques d'acier ». Après avoir vécu les équivoques de l'engagement politique à leurs côtés, il redevient un homme privé, mais retrouve, en 1939, un large public avec Sur les falaises de marbre, où beaucoup voient une dénonciation mythique de la montée du nazisme. Pourtant, son Journal de la Seconde Guerre mondiale, à l'opposé de l'apologie militariste d'Orages d'acier, déconcerte ses premiers admirateurs nationalistes, tandis que ses liens avec le haut état-major, son hostilité au rationalisme progressiste, son absence de goût pour l'autocritique le rendent suspect à une large part de la critique marxiste et libérale, qui va parfois jusqu'à contester la valeur de son style, taxé d'académisme et de froideur. Le désarroi intellectuel qu'a entraîné depuis 1989, chez les marxistes les plus traditionalistes, la chute de l'espoir communiste en U.R.S.S. a suscité paradoxalement, plus encore en France peut-être qu'en Allemagne, un regain d'hostilité idéologique à son égard.

Né le 29 mars 1895 à Heidelberg, dans un milieu aisé, Ernst Jünger prend vite en horreur les valeurs bourgeoises et fait une fugue, en 1913, pour s'engager dans la Légion étrangère. Mais il a l'intention de déserter le plus vite possible, afin de courir l'aventure en Afrique : son père le fera rapatrier de justesse. Lorsque la guerre éclate, il est aussitôt volontaire pour les troupes de choc ; son héroïsme lui vaut quatorze blessures et il est décoré de la plus haute distinction allemande : l'ordre « Pour le Mérite ». Après la défaite, il reste quatre ans dans l'armée, puis demande son congé et va étudier la zoologie et la philosophie à Leipzig et à Naples. Entre 1925 et 1930, il déploie une importante activité journalistique dans des publications militaristes d'extrême droite (Die Standarte, Arminius, Der Vormarsch) dont il est parfois le principal rédacteur. Ses derniers articles paraissent en 1933 et son hostilité au nazisme lui fait refuser fermement toutes les avances du régime. En 1939, Sur les falaises de marbre lui attire des difficultés avec le parti, mais Hitler, qui se souvient du héros de 1914,[...]

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  • SUR LES FALAISES DE MARBRE, Ernst Jünger - Fiche de lecture

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    Ernst Jünger (1895-1998) rapporte qu'il a entrepris le bref roman Sur les falaises de marbre à la suite d'un rêve, en février 1939, alors qu'il vivait à Ueberlingen, près du lac de Constance, dans la douceur du pays souabe. Il l'a terminé le 18 juillet 1939 dans son nouveau domicile de Kirchhorst,...

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