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KANTOROWICZ ERNST (1895-1963)

Médiéviste, historien de l'État, iconologue et philosophe de l'esthétique, brillant écrivain, esthète, esprit libre, Ernst Hartwig Kantorowicz naît à Posen, en Prusse (aujourd'hui Poznań en Pologne), le 3 mai 1895, dans une famille juive d'industriels aisés. Son second prénom lui fut donné en mémoire de son grand-père, fondateur de l'entreprise. Mais outre-Atlantique il ne fit usage que de son premier prénom, et ses initiales ainsi réduites à deux lettres, E. K., lui donneront le surnom d'Eka pour ses intimes. Son milieu familial, très sensible à la culture, lui offre nombre de gages pour sa formation intellectuelle et son instruction supérieure : il faut mentionner en particulier l'influence importante qu'exerça sur lui une cousine, Gertrud, de plusieurs années son aînée, la seule femme parmi les collaborateurs de la revue d'art Blätter für Kunst, fondée par Stefan George.

Soldat et étudiant

Il apprend l'anglais dès la petite enfance grâce à sa gouvernante, et le français au lycée Auguste Viktoria, où il fait ses humanités de 1904 à 1913. Commencée à Hambourg, une brève expérience dans le commerce est interrompue par la guerre : à l'âge de dix-neuf ans, il s'engage comme volontaire. Blessé à Verdun en juin 1916, il est ensuite envoyé sur le front de l'Est, en Ukraine, où il reste à peine un mois avant de se faire agent de liaison d'une compagnie ferroviaire allemande établie en Turquie, ce qui lui vaudra en mai 1917 le Croissant-de-fer, la distinction militaire ottomane.

Inscrit à la faculté de philosophie de Berlin en mai 1918, il endosse de nouveau l'uniforme à l'automne pour servir dans un centre d'écoute des transmissions ennemies, par l'intermédiaire duquel il suit une école d'interprètes où il perfectionne ses connaissances linguistiques. C'est alors qu'éclate l'insurrection polonaise en Prusse, qu'il va combattre pour défendre sa famille et ses biens menacés. Animé par l'amour de la patrie et un anticommunisme virulent, il combat également au tout début de 1919 la révolution spartakiste à Berlin, et de nouveau en mai la République communiste des conseils proclamée à Munich, où il poursuit ses études. C'est là qu'il est blessé pour la seconde fois.

Dans la capitale bavaroise, à la faculté d'économie, il a l'occasion d'assister entre autres aux cours de Max Weber, et suit par ailleurs un cours de turc de niveau avancé. Conformément à la vie itinérante des étudiants allemands, il rejoint ensuite l'université de Heidelberg, où vivait l'une de ses sœurs, mariée à l'économiste Arthur Salz. Il régnait à l'époque dans cette ville un climat culturel et spirituel particulier. Kantorowicz y rencontra des maîtres de grande valeur, y noua de solides amitiés et se mit à fréquenter assidûment le cercle littéraire formée autour du poète Stefan George, le George-Kreis.

Durant ces années, deux personnalités influencent grandement le jeune chercheur : Alfred von Domaszewski, historien de l'Antiquité spécialiste de l'Empire romain, et Karl Hempe, médiéviste dont les recherches portaient tout particulièrement sur le Saint Empire romain germanique. En 1921, il obtient brillamment son doctorat avec une thèse sur la nature des corporations d'artisans musulmanes, sous la direction d'Eberhard Gothein. Le sujet, sans doute médité dès son retour du Moyen-Orient, sera traité par Kantorowicz à l'aide des concepts forgés par Max Weber : ils lui garantissaient le discernement et la pondération nécessaires pour pénétrer des réalités sociales et culturelles imprégnées par le phénomène religieux.

La fréquentation de Stefan George l'amena à tempérer son amour passionné de la patrie par la découverte d'une universalité de la culture et à renforcer[...]

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Écrit par

  • : chercheur d'histoire du droit médiéval et moderne à l'iniversité de Sienne, faculté de droit

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