MACH ERNST (1838-1916)
Critique des concepts physiques et philosophie de la connaissance
La critique des concepts physiques
Dès son premier livre sur l'histoire du principe de la conservation de l'énergie, Mach critiqua la notion d'atomes dans laquelle il refusa toujours de voir autre chose qu'une hypothèse auxiliaire, même après leur mise en évidence expérimentale. Ce refus est lié à sa conception de la science – un empirisme critique, qui ne reconnaît que les notions reliées directement à l' observation et aux expériences des sens et rejette toute absolutisation de concepts, entachée à ses yeux de dogmatisme et relevant de la métaphysique. À la différence des énergétistes comme Wilhelm Ostwald, il considérait que l'énergie elle-même n'est qu'un concept comme les autres, quoique puissant. Il refusa les conceptions de Boltzmann ramenant les lois de la thermodynamique à une mécanique statistique des atomes et des molécules, et en particulier la traduction de l'entropie en termes mécaniques : les racines du deuxième principe étaient plus profondes à ses yeux.
Sa critique des concepts physiques fut plus féconde dans le domaine de la mécanique. L'ouvrage qui porte ce titre, souvent réédité, propose une réflexion critique acérée des concepts et des fondements historiques de cette science qui paraissait si bien ancrée dans la raison même, depuis Newton et Kant, qu'elle était généralement considérée comme devant être la base des autres. Il « secoua cette foi dogmatique », selon le témoignage d'Einstein, sur qui l'ouvrage exerça une grande influence à l'époque où il était étudiant (« ce livre me fit une impression profonde et durable dans la mesure où il était orienté vers les lois et les concepts fondamentaux », lettre à Carl Seelig, 8 avril 1952). Mach effectuait, en effet, une critique vigoureuse des conceptions absolues de la mécanique newtonienne (temps, espace, mouvement) en les rapportant à la possibilité d'une observation expérimentale. « Pour moi, écrivait-il, il n'y a que des mouvements relatifs. » Il fit aussi une critique de la définition newtonienne de la masse comme quantité de matière, et proposa d'en donner une définition de convention, celle d'une constante proportionnelle à l'accélération.
Insatisfait de la définition classique des systèmes d'inertie, basée sur des propriétés absolues de l'espace et du temps, il proposa que les propriétés d'inertie des corps résultent de leur interaction avec les objets environnants, et notamment avec les très grandes masses réparties dans l'Univers à de grandes distances (étoiles fixes). (Il en résulterait, en particulier, l'absence d'inertie dans un Univers vide.) Einstein dénommera cette proposition « principe de Mach » : utile dans la conceptualisation initiale de la relativité générale, puisqu'il conduisit Einstein à s'interroger sur le principe d'équivalence (des masses inertiale et gravitationnelle), il ne semble pas réellement compatible avec cette théorie, et le concept même de champ apparaît contraire à la réalisation du programme de Mach. Le principe de Mach a donné lieu, en tout cas, à une littérature abondante ; selon certains, notamment John A. Wheeler, il serait possible de le retenir comme une condition aux limites des équations du champ de gravitation.
Mach se désolidarisa en 1913 (préface aux Principes de l'Optique, publiée seulement en 1921) de la relativité, sous sa forme restreinte ainsi que de la première approche sous sa forme générale, qui lui paraissait de caractère dogmatique.
Dans ses investigations critiques, Mach a trouvé et exprimé la nécessité de recourir à l'étude historique des sciences – retournant aux travaux originaux –, pour renverser les préjugés ou les dogmes en quoi se cristallisent les découvertes[...]
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Écrit par
- Michel PATY : directeur de recherche émérite au CNRS
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