RENZ ERNST (1815-1892)
Dès qu'il put se tenir sur les jambes, Ernst Renz apprit le métier de son père, Cornelius Renz, danseur de corde dans la compagnie Maxwell. Il suit son père au cirque Brilloff où il apprend l'équitation. À vingt et un ans, l'élève, particulièrement doué, devient le bras droit de son directeur. Il apparaît trois fois dans le programme. D'abord comme funambule, où il saute des cerceaux. Comme écuyer ensuite. Son répertoire est varié : poses académiques, jeu des mouchoirs ramassés au galop, voltige sur deux chevaux nus, sauts périlleux en avant et en arrière. Enfin, comme homme fort : portant six personnes sur ses épaules ; ou exécutant une « souplesse » en arrière avec cent quarante livres dans les mains. Six ans après, il est à la tête du cirque équestre, Brilloff ayant été tué par un coup de pied de cheval. Il commence ses tournées à travers l'Allemagne. Les débuts sont difficiles. Pour payer ses artistes, il lui faut même, un jour, vendre sa montre. Mais le succès récompense bientôt ses efforts : en 1848, ses écuries contiennent quarante chevaux. Il subit, tour à tour, l'attaque des établissements concurrents, ce qu'on nomme la « contrecarre ». Même Dejean vient le défier à Berlin. À partir de 1852, il triomphe au cirque de la Friedrichstrasse. En 1876, sa salle étant expropriée, il édifie son grand cirque de la Karlstrasse, dont, plus tard, Max Reinhardt fera son théâtre favori. Le cirque Renz dépasse en luxe tous ceux que l'on vit jamais : par exemple, quand le public est admis à visiter les écuries où figurent deux cent cinquante chevaux magnifiquement harnachés, il est surpris de voir, tous les dix mètres, devant la litière alignée au cordeau, des laquais habillés à la française. Ernst Renz meurt à Berlin, laissant une fortune considérable et le souvenir du plus grand directeur de cirque allemand. Cet homme qui ne savait ni lire ni écrire ne voulait pas avouer son ignorance : quand on lui apportait une lettre, il faisait semblant de la lire attentivement, puis il la passait à son secrétaire. « Impossible de déchiffrer ce gribouillis », disait-il. Ce trait a été maintes fois repris dans les entrées clownesques. Il avait des colères terribles et, dans son établissement, qu'il appelait avec emphase son « institut », il faisait régner une discipline de fer. C'est au cirque Renz qu'un garçon de piste, maladroit et mal fagoté, en provoquant sans le vouloir l'hilarité joyeuse du public, aurait créé le personnage de l'auguste. C'est également là que l'écuyer américain Richards s'est tué en franchissant des obstacles sur son cheval nu, sans selle ni bride. Depuis, cet exercice s'appelle la « voltige à la Richards ». Ernst Renz compte parmi ses descendants de nombreux écuyers. Le dernier en date, Dany Renz, fut un remarquable écuyer debout. Ayant épousé en 1950 Sabine Rancy avec laquelle il dirigeait le cirque du même nom, il fut piétiné par une éléphante irascible et mourut le lendemain (1972). Il avait quarante-trois ans.
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Écrit par
- Jean BAUDEZ : écrivain
Classification
Autres références
-
CIRQUE
- Écrit par Didier MÉREUZE et Tristan RÉMY
- 7 262 mots
- 1 média
...en 1807 établit, sur le Prater de Vienne, le Circus gymnasticus. Dans le milieu du siècle, après l'installation à Berlin du Cirque olympique de Paris, Ernst Renz, directeur d'une troupe équestre, prend la relève du cirque français qui lui abandonne en location, pour plusieurs années, l'établissement qu'il...