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TROELTSCH ERNST (1865-1923)

Théologien et philosophe allemand. La pensée de Troeltsch se forma, pendant ses années d'études à Erlangen et à Göttingen, au contact de l'idéalisme de Gustav Class, du leibnizianisme de H. Lotze, du moralisme d'A. Ritschl, de la rigueur philologique de P. de Lagarde. Après son habilitation en 1891 à Göttingen, il devient professeur de théologie systématique à la faculté de théologie protestante de Bonn (1892), puis de Heidelberg (1894). À partir de 1910, il donne également à Heidelberg un enseignement de philosophie, à une époque de sa vie où il subit fortement l'influence de Max Weber, son collègue et voisin. En 1915, il accepte la chaire de philosophie que lui offre l'université de Berlin. La guerre de 1914-1918 provoque en lui un intense conflit intérieur : Troeltsch est déchiré entre son patriotisme et son idéalisme chrétien. Après la guerre, les deux camps lui reprochent son attitude : regardé comme « traître à la patrie » par certains Allemands, il passe pour un « nationaliste » aux yeux de certains Anglais. À la fin de la guerre, Troeltsch s'engage néanmoins dans une certaine activité politique. Il est très lié avec H. Delbrück et F. Meinecke, exerce avec eux une certaine influence sur le chancelier Bethmann-Hollweg, coopère à la fondation du Parti démocrate allemand, est élu député au parlement prussien et accepte le poste de sous-secrétaire d'État au ministère des Affaires culturelles de l'État de Prusse. Il est l'ami de Rathenau et se montre profondément affecté par son assassinat en 1922. Troeltsch meurt d'une embolie pulmonaire au moment où il allait partir pour une tournée de conférences en Angleterre. Les « Spektator-Briefe », articles qu'il écrivit de 1918 à 1922 pour la revue Kunstwart, sont un précieux témoignage sur la situation politique, économique et spirituelle dans l'Allemagne de l'après-guerre.

L'œuvre et la pensée de Troeltsch sont extrêmement variées, « polymorphes », comme la vérité elle-même, selon sa propre affirmation (il entendait par là qu'il est inhérent à la vérité d'apparaître sous des formes diverses et opposées). Certains thèmes de recherche se dégagent pourtant. Tout d'abord, Troeltsch cherche à proposer une réinterprétation des différentes périodes historiques, dans la perspective générale d'une explication et d'une compréhension de la genèse du monde moderne. Ce thème s'esquisse déjà dans sa dissertation de 1891 sur Melanchthon, puis dans ses articles de la Realencyclopädie für protestantische Theologie consacrés au siècle des Lumières, au déisme, à l'idéalisme allemand et réunis dans le tome IV de ses Œuvres complètes, enfin et surtout dans son livre sur les théories sociales des Églises chrétiennes (t. I des Œuvres complètes, 1912). Ces recherches sur l'histoire de la conscience de l'Occident et sur la genèse de l'esprit moderne sont en fait inspirées par le problème religieux : comment être chrétien au xxe siècle ? Comment concilier le relativisme historique et l'absolutisme de la foi chrétienne ? Tel est le problème posé dès 1902 dans l'ouvrage consacré à l'absolu chrétien, et repris fondamentalement dans deux travaux de l'après-guerre : L'Historisme et ses problèmes (1922, t. III des Œuvres complètes) et L'Historisme et son dépassement (1924). Le christianisme de Troeltsch est pure intériorité individuelle. L'absolu de la foi se fonde dans un a priori religieux indépendant du devenir historique et inaccessible au relativisme. C'est pourquoi Troeltsch exclut a priori la possibilité que le monde moderne puisse mettre fin au phénomène religieux et rejette « l'utopie de la venue d'un état non religieux de l'humanité ». Mais la décision religieuse est, selon lui, strictement individuelle. Troeltsch[...]

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