ÉROS
Divinité grecque qui porte le nom d'une fonction psychologique : Éros signifie le désir amoureux. Il tient une place importante dans la pensée religieuse, dans la vie sociale comme dans l'art et la littérature des Grecs. Dans les cosmogonies orphiques qui racontent l'émergence du monde, Éros est une puissance primordiale qui n'a ni père ni mère. Dans la cosmogonie d'inspiration orphique qu'Aristophane raconte dans Les Oiseaux, le Désir amoureux surgit d'un œuf « clair », c'est-à-dire non fécondé, antérieur à l'union sexuelle. Éros est l'Un, qui, à l'origine de toutes choses, intègre et unifie les principes opposés, comme le féminin et le masculin, l'un et le multiple. Cette représentation d'Éros s'est développée dans un milieu mystique qui refuse le monde différencié où les êtres et les choses sont séparés et distingués, un milieu qui aspire à l'unité et à la plénitude de l'originel.
Dans les sociétés doriennes, comme à Sparte et en Crète, le Désir amoureux est une force organisatrice de la vie collective. C'est l'amour pédérastique qui permet l'intégration du jeune garçon dans le groupe des guerriers. En Crète par exemple, l'amant, après avoir reçu l'accord des parents et des amis du jeune homme qu'il aime, l'enlève soudainement, le conduit à la campagne, où tous deux vivent et chassent ensemble pendant deux mois, et le ramène ensuite dans la cité pour lui offrir trois présents rituels : des armes de guerrier, une coupe à boire et un taureau destiné au sacrifice. Le jeune garçon qui ne pouvait trouver un amant pour l'initier était couvert de honte : il n'était pas intégré au corps social.
Au ve siècle, dans le monde athénien, Éros est encore une figure centrale, intimement liée à l'éducation aristocratique, au gymnase et à la palestre. Dans l'entourage de Socrate, on était convaincu que l'armée la plus invincible serait celle qui alignerait sur un même rang l'amant et l'aimé. Un peu plus tard, Thèbes remporte ses plus belles victoires grâce au « bataillon sacré », composé de guerriers homosexuels que leur attachement réciproque entraîne à accomplir les plus hauts faits d'armes.
Dans la littérature qui va de Sapho de Lesbos aux auteurs alexandrins d'épigrammes amoureuses, Éros est tantôt une puissance inquiétante qui brise les membres, trouble la raison, paralyse la volonté, tantôt un dieu malicieux, qui se plaît au jeu de l'amour, se mêle à la vie des femmes dans le gynécée, noue les intrigues ou les dénoue, devenant alors l'enfant terrible d'une Aphrodite, elle-même transformée en femme galante, chargée d'organiser les amours bourgeoises.
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Écrit par
- Marcel DETIENNE : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
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Média
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