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ERREUR

L'erreur en mathématiques

L' idée de présenter les théories d'une manière axiomatique date des Grecs, et les Éléments d'Euclide ont constitué à cet égard un modèle pendant plus de deux millénaires. En fait, on s'est aperçu, au cours des siècles, que les figures jouaient un rôle équivoque dans certaines démonstrations, et on s'est efforcé de dissocier les représentations empiriques attachées aux notions de « point », de « droite », de « plan », etc., des idées et des relations auxquelles ces termes étaient associés. Ainsi s'est constituée, depuis un siècle environ, une présentation formalisée de certaines théories mathématiques : géométrie élémentaire, arithmétique, probabilités, etc.

Descartes exprime ainsi la conviction qui, au fond, a prévalu pendant des siècles parmi les mathématiciens : « La déduction, ou la simple inférence d'une chose à partir d'une autre [...], ne saurait être mal faite même par l'entendement le moins capable de raisonner » (Règles pour la direction de l'esprit, II). En un mot, l'erreur ne pouvait pas résulter du travail de la raison proprement dite, mais, par exemple, du mélange indu de la sensibilité et de l'entendement, de la confusion entre voir et concevoir. Telle était l'idée qu'on se faisait de l'erreur en mathématiques, autant qu'on le sache, du temps d'Euclide. Une « fausse démonstration » illustrera cette thèse : soit à prouver qu'un angle droit est égal à un angle obtus.

Angle, démonstration 1 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Angle, démonstration 1

On prend un rectangle ABCD. Par C, on mène CE = CB, qui fait avec CB un angle quelconque. On mène AE, et on élève les médiatrices de AB et de AE qui se coupent en I. Du point I, on mène IA, IB et IE. Considérons les deux triangles ICE et ICB. Ils ont leurs trois côtés égaux (IA = IB = IE, puisque I est le point de concours des médiatrices de AB et de AE). Donc l'angle ICB = ICE. Or ces deux angles ont une partie commune : ICD. Donc, quand on soustrait de deux angles égaux un même angle, les restes sont égaux et on a bien : DCB = DCE, c'est-à-dire qu'un angle droit est égal à un angle obtus.

Angle, démonstration 2 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Angle, démonstration 2

L'erreur s'introduit au moment où l'on dit : « ces deux angles, ICB et ICE, ont une partie commune » ; ce que l'on voit, mais qui est inconcevable. Dans le triangle ABE, en effet, la médiatrice de BE passe par C, puisque BCE est isocèle par construction ; de ce fait, les deux triangles ICB et ICE sont bien égaux, mais ils sont symétriques par rapport à la droite CI, dont l'angle ICD ne peut être une partie commune aux angles ICD et ICE.

Quand, en géométrie d'abord, puis dans d'autres domaines, on s'est demandé si les axiomes d'un système étaient ou non compatibles entre eux, il a fallu imaginer des démonstrations d'un autre genre : elles ne visent pas à établir de nouvelles propriétés des objets mathématiques, mais à démontrer qu'une théorie est consistante, c'est-à-dire qu'à partir de ses axiomes et de ses notions primitives on ne déduit pas des propositions contradictoires.

Ces preuves de consistance, à leur tour, sont de deux ordres, indirectes ou directes. Une preuve indirecte de la consistance d'une théorie s'obtient en traduisant les axiomes et les termes primitifs de cette théorie en des propositions valides et en des termes bien formés d'une théorie dont on ne met pas en doute la consistance. Ainsi, si l'on suppose valide la géométrie d'Euclide, et qu'on puisse mettre en langage euclidien les axiomes de la géométrie de Riemann ou de celle de Lobatchevski, alors on établit aussi du même coup, indirectement, leur consistance.

Dans cette perspective, la vérité se confond avec la non-contradiction et l'erreur avec l'inconsistance. On s'est donc demandé si toutes les mathématiques[...]

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Angle, démonstration 1 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Angle, démonstration 1

Angle, démonstration 2 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Angle, démonstration 2

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