ERTÉ ROMAIN DE TIRTOFF dit (1892-1990)
Erté s'est illustré tour à tour dans la mode, le dessin, la lithographie, la réalisation de costumes pour les plus prestigieux théâtres et revues. Placée sous le signe de l'art déco, son œuvre, singulière dans l'inventivité de son graphisme, reflète parfaitement l'esthétique des années 1910-1930.
Première création
Romain de Tirtoff est né à Saint-Pétersbourg le 23 novembre 1892. Fils unique de Piotr Ivanovitch de Tirtoff, amiral de la Flotte, il passe une enfance dorée, perdu dans les derniers fastes de la Russie tsariste. Dans un livre de Mémoires publié à Londres en 1975, il laissera une peinture attendrie et tranquillement œdipienne de ce monde irréel, fondé sur la passion du code et du rituel, sur un formalisme aussi entier que devait l'être ensuite celui de son propre monde esthétique. Il s'y attarde sur la figure centrale de son existence : celle d'une mère à l'élégance raffinée dont on ne s'est pas privé de reconnaître d'infinies interprétations dans les images de femmes fatales et sinueuses, qu'il égrena tout au long du siècle.
À cinq ans, il dessine sa première robe du soir pour sa mère ; à sept, après avoir vu son premier ballet, il invente une scénographie en se servant, en guise de danseurs, de bouteilles vides habillées de tissu. Déjà est évidente l'incroyable indifférence du personnage aux contingences de l'ordinaire, sa capacité à vivre dans un monde entièrement chiffré, consacré au vertige de l'illusion et du cosmétique. Et il attribue, sans douter un instant de la légitimité de cette relation de cause à effet, l'aspect si singulier de sa stylistique à ses visites des collections de vases grecs et de miniatures persanes de l'Ermitage, aussi bien qu'à une fascination enfantine pour les rites immobiles de l'Église orthodoxe et pour les revues de mode russes et parisiennes que feuilletait sa mère.
Après un passage, que l'on imagine houleux, dans un collège privé et des études cependant menées à bien, il persuade son père de le laisser partir pour Paris, où il arrive en 1912. C'est alors qu'il se donne un pseudonyme, fondé sur la prononciation française de ses initiales (RT), pour ne pas embarrasser sa famille. C'était la folle époque des Ballets russes de Serge de Diaghilev, le moment où, écrit-il dans ses mémoires, les femmes se rasaient la tête pour la recouvrir d'or, où l'on teignait les chiens pour les assortir aux robes, où l'on se faisait arracher les dents pour les remplacer par des diamants.
À peine arrivé, nimbé de l'aura de celui qui ne doute de rien, le jeune Romain de Tirtoff dépose quelques dessins chez le concierge de Paul Poiret. Celui-ci l'embauche aussitôt en tant qu'assistant. Il participe activement aux créations de la maison Poiret, notamment avec une tenue très graphique composée d'une jupe-fourreau et d'une tunique en forme d'abat-jour, portée par l'actrice Mata Hari dans la pièce de théâtre de Jean de Richepin, Le Minaret (1913). La qualité du tissu, les coloris et le style orientalisant de ce modèle ayant rencontré un certain engouement, une variation est adaptée pour la clientèle de la maison, la robe « Sorbet ».
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Écrit par
- Patrick MAURIES : écrivain, directeur des éditions Le Promeneur et Thames & Hudson
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Média
Autres références
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- Écrit par Guillaume GARNIER
- 847 mots
- 1 média
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