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BLUMENFELD ERWIN (1897-1969)

L' Autoportrait en Pierrot (1911) réalisé par Erwin Blumenfeld à l'âge de quatorze ans laisse entrevoir la créativité de cet anticonformiste qui va bousculer les codes de la photographie de mode. Né en 1897 à Berlin dans une famille d'origine juive, Blumenfeld doit abandonner ses études à la mort de son père pour devenir apprenti dans la confection. Ambulancier dans l'armée allemande durant la Première Guerre mondiale, il s'exile ensuite aux Pays-Bas où il participe à la fondation du mouvement dada d'Amsterdam avec ses amis Georg Grosz et Paul Citroën. Il écrit alors des essais poétiques et des nouvelles sous le pseudonyme de Jan Bloomfield. En 1921, il épouse Léna Citroën dont il aura trois enfants, puis tient une boutique de maroquinerie à Amsterdam de 1923 à 1935, où il ne tarde pas à proposer à ses clientes de les photographier. En 1935, ses œuvres sont publiées dans Photographie et exposées à l'École de l'Art nouveau d'Amsterdam auprès de celles de Grosz, Man Ray et Mondrian. Lorsqu'il quitte les Pays-Bas pour Paris l'année suivante, il a déjà à son actif quelques « icônes » comme cette plongée solarisée de Momie vivante (1932), ou le photomontage rageur Hitler (1933) en tête de mort, qui sera repris sur les feuilles de propagande alliées lâchées par millions au-dessus de l'Allemagne en 1943. Sans oublier son très surréaliste Minotaure (1936), montrant une tête de veau sur un buste de pierre rebaptisé Le Dictateur.

Dans son atelier du 9, rue Delambre, à Paris, il mène parallèlement une activité de portraitiste – Rouault, Matisse, Carmen, le modèle du Baiser de Rodin –, et de photographe publicitaire, tout en continuant un travail personnel, sur le nu notamment. En 1937, il décroche sa première couverture dans Votre Beauté et ses photographies sont publiées dans Verve. Il expose à la galerie Billiet à Paris et participe à l'exposition collective Photography, 1839-1937 au Museum of Modern Art de New York.

En 1938, il obtient sa première publication dans Vogue France grâce à son ami Cecil Beaton, avant de couvrir les collections parisiennes pour Harper's Bazaar. En 1939, Blumenfeld est interné en tant qu'Allemand dans le camp de Montbard-Marmagne. Il fuit la France pour New York en 1941. Il y partage un studio avec Martin Munkacsi, avant d'ouvrir son propre au atelier 222 Central Park South, en 1943. Il reprend sa collaboration avec Harper's Bazaar (1941-1944), puis avec Vogue (1944-1955), pour lesquels il réalise de nombreuses couvertures. Ses photographies paraîtront aussi dans Look, Life, Coronet, Cosmopolitan...

Solarisation, combinaison d'images positives et négatives, photomontage, « sandwich » de diapositives couleurs, fragmentation opérée au moyen de miroirs, séchage du négatif humide au réfrigérateur pour obtenir une cristallisation, etc. Blumenfeld sait mettre à profit ses expérimentations de « dadaïste futuriste » pour la photo de mode.

Du maquillage des modèles qu'il réalise souvent lui-même aux manipulations diverses dans l'obscurité de son laboratoire, il n'hésite jamais à jouer avec les couleurs qu'il sature, décompose, filtre, colle ton sur ton... Pour preuve son vertigineux photomontage du mannequin Lisa Fonssagrives sur la tour Eiffel (Vogue, 1939), What Looks New (Vogue, 1947), sa très cubiste fragmentation d'un visage à plusieurs bouches pour un rouge à lèvres, Œil de biche (Vogue, 1950) où il recadre l'une de ses photos en noir et blanc sur l'œil gauche, la bouche et le grain de beauté étant rehaussés de couleur. Ou encore ce mannequin en béret et manteau rouges sur fond rouge (Vogue, 1954). En 1955, il commence son autobiographie, Jadis et Daguerre, qu'il terminera l'année de sa mort, qui survient en 1969 à Rome.

— Armelle CANITROT

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