SCHRÖDINGER ERWIN (1887-1961)
La notoriété mondiale d'Erwin Schrödinger ne contredit pas la conscience qu'il avait d'appartenir à un temps de la science où l'individualité du savant s'estompe comme celle des constituants ultimes de la matière. Il a eu son heure majeure lorsqu'il a, en 1926, doté la mécanique ondulatoire de la formalisation qui lui manquait, et il a ainsi manifesté, moins de deux ans après la thèse de Louis de Broglie, le haut niveau où le travail collectif des chercheurs allemands avait porté l'aptitude à exploiter une idée nouvelle. Le reste de son œuvre scientifique est davantage encore inséré dans le mouvement de toute une génération et ne comporte pas d'autre point culminant ; mais son nom se retrouve dans toutes les démarches importantes de la physique théorique jusqu'après la Seconde Guerre mondiale, notamment en ce qui concerne la notion d'entropie négative. Exilé en Irlande de 1938 à 1956, il a compris combien la science est engagée dans la crise de la civilisation et il a fait œuvre de philosophe jusqu'à ses derniers jours. Les études qu'il a développées et divulguées à ce point de vue l'ont situé parmi les rares esprits clairvoyants qui savent dominer les engouements momentanés. N'ayant versé ni dans le courant probabiliste ni dans les interprétations simplistes de l'indéterminisme, il a apporté à notre époque la réflexion éclairante qui s'avérait nécessaire.
Une carrière brillante et troublée
Né à Vienne le 12 août 1887, Erwin Schrödinger bénéficia d'une enfance heureuse, entre un père qui était tout à la fois l'ami, le professeur et l'interlocuteur de son fils et une mère douce et maladive. Au gymnasium académique de Vienne, où il entra à onze ans, il fut un brillant élève non seulement en mathématiques et en physique, mais aussi en littérature, en philosophie et en art musical. De 1906 à 1910, il étudie à l'Université et eut pour maître un jeune disciple de Ludwig Boltzmann, Fritz Hasenöhrl.
Mobilisé comme officier d'artillerie, Schrödinger ne commença sa carrière qu'après la guerre. Son mariage, en 1920, coïncida avec ses débuts dans l'enseignement supérieur à Iéna, tandis qu'il assurait en même temps quelques cours à Stuttgart et à Breslau. Il fut très vite nommé professeur ordinaire à Zurich, à la chaire où ses prédécesseurs étaient Albert Einstein et Max von Laue, et où il s'illustra à son tour. En 1927, l'université de Berlin fit appel à lui pour succéder à Max Planck dans un milieu où la haute physique était cultivée de manière exceptionnelle. Ses travaux lui valurent, en 1933, le prix Nobel de physique, avec Paul Dirac. La montée du national-socialisme, auquel il s'opposait, l'amena la même année à accepter diverses offres d'universités anglaises, de celle d'Édimbourg en particulier ; mais, en 1936, il crut pouvoir revenir dans sa patrie, à Graz. Ce fut pour constater l'aggravation de la situation politique et la nécessité de s'éloigner. En 1938, le gouvernement irlandais lui proposa la direction d'un institut de recherche spécialement créé à son intention à Dublin, et il prit le chemin de l'exil pour près de dix-sept ans. En 1956, cédant aux démarches pressantes de l'Institut de physique de Vienne, il regagna sa ville natale où il mourut le 4 janvier 1961 après une longue maladie ; il a été inhumé à Alpbach, face aux montagnes du Tyrol qu'il aimait.
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Écrit par
- Pierre COSTABEL : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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Média
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