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STRAUS ERWIN (1891-1975)

L'œuvre d'Erwin Straus, chercheur d'origine allemande, installé aux États-Unis à la suite des persécutions nazies, constitue une contribution capitale à la psychopathologie et à la psychiatrie clinique, et elle a exercé une influence profonde sur la conception du pathologique comme phénomène vécu. Parmi les nombreuses publications de Straus figurent notamment des travaux sur la suggestion, sur les phobies, sur les tics, sur les hallucinations, sur l'obsession. Si l'on ne prenait en considération que ces études spécialisées, on serait déjà dans l'obligation de reconnaître leur ampleur, en particulier parce que Straus possède le génie de l'observation caractéristique et parvient à dégager d'un fait apparemment banal des implications d'une portée considérable. Cet abord des phénomènes porte l'empreinte de la pratique neurologique et témoigne d'une connaissance exceptionnelle de la physiologie non seulement des montages, mais aussi des comportements. C'est, en effet, par le biais de la physiologie que Straus a entrepris l'analyse de la psychologie objectiviste et de la psychopathologie organiciste, en montrant par le détail les erreurs de ces conceptions. Il ne s'agit jamais, chez Straus, de disputes purement théoriques et, lorsqu'il émet un verdict négatif, c'est que l'expérience l'y a contraint.

C'est pourquoi la théorie générale de la subjectivité qui se dégage de ses écrits est convaincante : le sujet qu'il décrit est bien un sujet vivant au sens biologique du terme. La synthèse de ses conceptions figure dans Le Sens des sens (Vom Sinn der Sinne, 1935), qui est son ouvrage capital. Straus y retrace les développements de la pensée objectiviste et met en évidence la distorsion du subjectif et la dépersonnalisation de l'expérience consécutives au mécanisme cartésien. Tout l'ouvrage tend à réhabiliter le sentir et fait le procès des réifications classiques de la psychologie — au terme desquelles ne subsiste plus qu'un sujet notionnel dans un espace abstrait — et des sensations définissables mais étrangères au vécu. L'influence de Straus, très profonde dans le domaine de la psychopathologie, se marque de plus en plus dans celui de la psychologie phénoménologique, dont il est un des fondateurs avec F. J. J. Buytendijk et quelques autres, qui, venus des sciences du vivant, ont perçu, pour des raisons techniques, la nécessité d'une épistémologie des sciences de l'homme en dehors de toute obédience philosophique, fût-ce de la phénoménologie husserlienne elle-même.

— Georges THINÈS

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Louvain, membre de l'Académie royale des sciences et de l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, membre correspondant du Muséum national d'histoire naturelle de Paris

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