ÉRYTHRÉE
Nom officiel | État d'Érythrée (ER) |
Chef de l'État et du gouvernement | Issayas Afeworki (depuis le 24 mai 1993) |
Capitale | Asmara |
Langue officielle | Aucune 2
|
Unité monétaire | Nakfa (ERN) |
Population (estim.) |
6 344 000 (2024) |
Superficie |
121 100 km²
|
L'Érythrée indépendante
Les dirigeants du F.P.L.E. n'ont pas déclaré l'indépendance immédiatement après leur victoire militaire. Ils ont accepté de passer sous les fourches caudines de la loi internationale, puisque c'est la Charte intérimaire éthiopienne adoptée en juillet 1991 qui leur octroie le droit à l'autodétermination et qu'ils ont tenu à ce que le référendum d'avril 1993 soit observé par l'O.N.U. et l'O.U.A. Si le résultat est sans surprise, il faut regretter qu'avant la consultation aucune opposition n'ait pu s'exprimer et que des centaines d'opposants potentiels aient été mis à pied, voire emprisonnés. Malgré le remplacement du F.P.L.E. en février 1994 par le Front populaire pour la démocratie et la justice (F.P.D.J.) et l'apparente volonté de disjoindre le F.P.D.J. de l'appareil d'État, de nombreuses interrogations pèsent rapidement sur l'instauration d'une démocratie pluraliste sans cesse promise et reportée. L'adoption, en mai 1997, d'une Constitution prévoyant le multipartisme « sous conditions » ne lève aucune hypothèque puisqu'elle n'est pas mise en œuvre et n'est plus d'actualité quelques mois plus tard, lorsque la guerre contre l'Éthiopie débute. La non-satisfaction de cette revendication prend toute sa signification en considérant les enjeux internes et régionaux qu'induit l'indépendance de l'Érythrée.
Trois sociétés érythréennes
Au niveau interne, cette société peut être conçue comme la superposition de trois strates, qui ont les plus grandes difficultés à communiquer et à se fondre l'une dans l'autre. Il y a la société du F.P.L.E., qui a vécu avec lui, a la même culture politique faite de respect de l'autorité, de patriotisme, d'adulation de son chef et président du pays, Issayas Afeworki, mais aussi de refus de la prévarication, de sacrifice de l'individu au profit de la collectivité, etc. Ensuite, vient la société qui a vécu sous le contrôle éthiopien depuis les années 1960. Ce groupe ne conçoit l'État que comme répression, taxation (15 p. 100 de la population est urbaine), intimidation : il s'agit donc d'échapper à son emprise en contournant la loi, stratégie classique d'une paysannerie aux abois. Vient enfin la jeunesse (41 p. 100 de la population a moins de 16 ans), dont les modèles culturels appartiennent à un autre monde : celui où l'argent est roi, la musique rock, Michael Jackson, le culte de l'individualité omniprésents. Le F.P.L.E.-F.P.D.J., pour réaliser cette unité, se trouve devant une alternative. La démocratie peut fournir une solution, mais la militarisation de la société en est une autre. C'est cette dernière que choisit la direction du pays, incapable de pacifier sa conception du gouvernement.
Les islamistes érythréens n'ont pas abandonné leur projet de prise de pouvoir et bénéficient de deux avantages : l'aide de leurs homologues soudanais au pouvoir à Khartoum et une importante communauté érythréenne au Soudan qui est soumise à leur prosélytisme. Cette hostilité à l'égard d'un gouvernement laïciste est d'autant plus vive que le jeune État érythréen entretient les meilleures relations avec Israël, qui entend éviter que la mer Rouge ne devienne un lac arabe. De nombreuses réformes posent plus ou moins directement la question des rapports entre chrétiens et musulmans et peuvent engendrer un mécontentement que pourraient utiliser les islamistes : le statut de la langue arabe par rapport à la langue maternelle qui est préférée par le F.P.L.E., la réforme foncière qui aboutira à une migration de population (chrétienne) du plateau vers les basses terres (musulmanes), enfin la démobilisation de l'armée du F.P.L.E. qui est prioritaire pour les emplois par rapport[...]
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Écrit par
- Alain GASCON : professeur des Universités, Institut français de géopolitique de l'université de Paris-VIII, membre du Centre d'études africaines, C.N.R.S., École des hautes études en sciences sociales, chargé de cours à l'Institut national des langues et civilisations orientales
- Roland MARCHAL : chargé de recherche CNRS
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