ESCALIER
Les grands escaliers intérieurs (XVIe-XIXe s.)
La première innovation consiste à introduire un « jour » de grande dimension au centre de l'escalier carré à volées droites, jusqu'ici peu utilisé comme escalier monumental. Au lieu de tourner autour d'un noyau plein (ou ajouré), les volées se disposent autour d'un vide dans une cage vaste et bien éclairée. La combinaison des volées droites et d'un grand espace où l'on peut suivre le développement complet de l'escalier crée un effet monumental sans précédent. Dans les premiers exemples espagnols (La Calahorra vers 1511 ; Tolède, vers 1530), l'escalier, limité à un étage, repose sur des murs. La structure devient plus complexe lorsque ce type est adapté à une construction à plusieurs étages – ce qui se produit en France dès le xvie siècle : des piliers ou des colonnes situés aux quatre coins du « jour » reçoivent des arcs qui supportent les marches. Enfin, dernière étape de ce développement, les piliers d'angle disparaissent, et les volées, soutenues par des arcs ou des voûtes en porte à faux qui se bloquent mutuellement, s'élèvent avec une merveilleuse légèreté le long des murs de la cage. Cette formule brillante, apparue vers 1530 à l'escalier du Capitole de Toulouse (détruit), exige une stéréotomie parfaite : elle sera pour cette raison particulièrement chère aux architectes français du xviie et du xviiie siècle.
Un autre développement, souvent associé au précédent, est né de l'application du principe de symétrie aux escaliers intérieurs . Ce parti n'offre aucun avantage pratique puisque l'utilisateur n'a besoin que d'une seule montée, mais il donne naissance à des compositions majestueuses – à condition, bien sûr, que l'escalier soit entièrement visible. Aussi l'Italie de la Renaissance a-t-elle surtout employé l'escalier symétrique à l'extérieur des édifices : volées convergentes de la place du Capitole, volées en demi-cercle de Caprarola, etc. L'escalier intérieur symétrique ne pouvait s'imposer comme type qu'en Espagne, là où l'introduction du jour central avait permis pour la première fois de voir tout le développement des volées. Deux types différents y naissent au cours du xvie siècle : un escalier très étendu en largeur qui résulte de la juxtaposition de deux escaliers tournants à volées droites et un autre, dit « impérial », plus proche de l'escalier rampe-sur-rampe, où la volée droite initiale est suivie de deux volées de sens contraires situées de chaque côté. Dans un cas comme dans l'autre, l'escalier se développe sur un étage dans une cage unique, ouverte sur les portiques de la cour. L'Alcazar de Tolède (vers 1550) et l'Escorial (1571) montrent les premiers exemples de chaque type .
Les formules espagnoles qui permettent de nombreuses variations se répandront dans toute l'Europe : à Gênes dès la seconde moitié du xvie siècle, en France au xviie, et surtout en Europe centrale, où elles connaîtront au xviiie siècle leurs plus beaux développements. En France, la perfection atteinte par l'escalier suspendu à trois volées a sans doute limité la diffusion de cette formule, d'ailleurs mieux adaptée à des résidences princières ostentatoires qu'aux châteaux et aux hôtels. Au xixe siècle, la plupart des théâtres, des hôtels de ville, des grands magasins seront dotés d'escaliers symétriques : symboles consacrés du pouvoir, ils anoblissent désormais les bâtiments publics et expriment l'assurance de la société bourgeoise.
Ainsi les exigences de symétrie et d'ampleur spatiale apparues au xvie siècle ont-elles provoqué un extraordinaire développement de l'escalier dans la grande architecture. L'organe de circulation, longtemps limité à un espace restreint, a fini[...]
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Écrit par
- Jean GUILLAUME : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne
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