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ESCHATOLOGIE

Résurrection et fin des temps : zoroastrisme, judaïsme, islam

Le modèle eschatologique le plus ancien, et longtemps le plus répandu sur la terre, avait partie liée avec l'idée de résurrection. Il supposait un univers stable, partagé symétriquement entre un « ici-bas » et un « là-bas » (plutôt qu'un « au-delà ») entre lesquels les âmes – ou les doubles – circulaient pour ainsi dire librement. En plaçant entre ces deux parties de l'univers une barrière infranchissable dans le sens du retour, les civilisations du Proche-Orient ancien ont rendu impossible cette circulation des âmes, pourtant porteuse d'équilibre et d'harmonie. La nécessité s'est alors fait sentir de surmonter le caractère en apparence définitif de cette rupture et, pour cela, d'admettre que cet univers coupé en deux n'était pas destiné à subsister indéfiniment. Le retour individuel des doubles, devenu impraticable, devait céder la place au mythe d'un grand retour collectif des morts, rendu possible par un bouleversement radical de l'ordonnance présente du cosmos. Ainsi se fait jour l'idée d'une résurrection de la chair liée à une restauration ou plutôt à une transfiguration de l'univers, elle-même précédée d'un cataclysme universel. Cela impliquait la substitution au temps cyclique des réincarnations d'un temps orienté, non réversible, destiné à s'achever pour avoir eu un commencement. En découlait également la notion d'une histoire du salut identifiée au destin collectif de l'humanité : un destin à la fois modelé sur celui de l'individu, déroulé en parallèle avec lui et destiné à l'englober à la fin des temps. Cette révolution spirituelle apparaît avec la religion de l'Iran ancien (zoroastrisme et mazdéisme) d'une part, avec les religions de la « famille abrahamique » (judaïsme, christianisme, islam), d'autre part.

Le zoroastrisme – surtout dans sa forme tardive, où il prend le nom de mazdéisme – s'efforce tant bien que mal d'ajuster l'une à l'autre une doctrine du jugement individuel dans l'au-delà et une doctrine de la fin du monde. Après la mort, l' âme ne tarde pas à apprendre, au vu des apparitions radieuses ou sinistres dont elle est gratifiée, quel sera son sort posthume. Après être passée par le « Pont du Rétributeur » (Tchinvat), large pour les bons mais étroit pour les méchants, elle gagne des lieux de rétribution paradisiaques ou infernaux. Mais, sur un autre plan, ce destin des âmes individuelles prend place à l'intérieur du drame cosmique de la lutte entre Ohrmazd, le principe du Bien, et Ahriman, le principe du Mal. À la fin des temps, le Bien triomphe et les morts viennent à être ressuscités sous l'égide d'un Messie-Sauveur (le Saoshyant). Quittant leurs lieux de rétribution, ils regagnent la terre pour y subir une ultime ordalie purificatrice, douce pour les bons mais terrible pour les méchants. Parallèlement, le temps s'arrête. L'univers est débarrassé de toute souillure, de toute pesanteur et de toute opacité. En lui s'efface toute distinction entre cieux, terre et enfers : le ciel s'étend partout. Il n'est plus question d'élus ni de damnés. Tous, désormais, sont sauvés. Pourvus de corps glorieux, ils règnent pour toujours avec Ohrmazd sur un cosmos pacifié et transfiguré.

L'eschatologie du judaïsme a évolué selon une logique en quelque sorte inverse. Longtemps étrangère, ou même hostile, à toute préoccupation de rétribution posthume, attachée au principe de la « justice immanente », cette religion n'a d'abord envisagé la fin des temps que sous l'angle d'une restauration de la grandeur d'Israël, telle qu'elle était annoncée par les premiers prophètes. Puis, les siècles s'écoulant sans amener[...]

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Écrit par

  • : professeur de philosophie indienne et comparée à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Média

<it>Le Jugement dernier</it>, monastère de Voronet - crédits : Albert Ceolean/ De Agostini/ Getty Images

Le Jugement dernier, monastère de Voronet

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