ESCLAVAGE, notion d'
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L'esclavage et la philosophie sociale
S'arrimant à la philosophie des Lumières, puis à la morale chrétienne et franc-maçonne, et parallèlement à cette critique économique, s'est développé à partir du xviiie siècle, au nom d'une conception universaliste de l'humanité, un mouvement abolitionniste. Montesquieu est l'un des premiers à dénoncer l'exploitation des Noirs dans L'Esprit des lois (1748) ; dénonciation relayée en 1755 par le chevalier de Jaucourt dans l'article de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert intitulé « La Traite des Nègres », qui souligne, par ailleurs, le défaut de civilisation chez les esclaves. L'abolitionnisme va devenir le mot d'ordre politique au sein de la Société des amis des Noirs en 1788, avec Brissot, Mirabeau, La Fayette et Condorcet, puis l'abbé Grégoire, un an après la société anglaise instituée par Clarkson et Wilberforce. L'abolition de la traite pour laquelle ils se mobilisent est obtenue en 1807 pour la Grande-Bretagne et en 1815 pour la France. Quoique l'émancipation des esclaves semble inéluctable au nom de la justice sociale et de considérations économiques, il faut attendre 1833 en Grande-Bretagne et 1848 en France, sous la pression de Victor Schœlcher, pour que l'esclavage soit aboli.
Avec les abolitions de l'esclavage dans l'espace colonial occidental, l'intérêt pour le phénomène a décliné, avant de reprendre avec la naissance des États indépendants d'Afrique et des Antilles, et la lutte pour les droits civiques aux États-Unis. L'attention est centrée sur la quantification de la traite transatlantique, notamment depuis les travaux de l’historien Philip Curtin (The Atlantic Slave Trade. ACensus, 1969) et sur les modes d'organisation des plantations américaines. D'un côté, l'ouvrage de Robert W. Fogel et Stanley L. Engerman, Time on The Cross : The Economics of American Negro Slavery (1974) affirme que l'économie de l'esclavage était rentable et efficace, et n'a disparu que pour des considérations morales ; de l'autre, celui de Eugene B. Genovese, Roll, Jordan, Roll (1974), présente l'esclavage et le paternalisme comme un frein au capitalisme et, surtout, insiste sur les tactiques de résistance des esclaves.
La multiplication des recherches a conduit à un découpage spatial et temporel de la notion d'esclavage, permettant l'analyse de modèles spécifiques, par exemple celui de l'Afrique par Claude Meillassoux (Anthropologie de l'esclavage, 1986) ou Harris Memel-Fôté (L'Esclavage lignager africain et l'anthropologie des droits de l'homme, 1996). La recherche s'attache ainsi à la description précise de la transformation juridique de la relation servile après l'émancipation. Dans les sciences juridiques et politiques, l'esclavage est devenu également une notion opératoire pour analyser les rapports mondiaux inégalitaires, puisque la convention de Genève, en 1926, en a donné la première définition juridique internationale et que, en 1956, l'esclavage a été établi comme « crime contre l'humanité » (qualification appliquée par la France à l'esclavage transatlantique par la loi du 21 mai 2001).
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