ESCLAVAGE
Histoire de l'esclavage
L'esclavage dans l'Antiquité gréco-romaine
Depuis que, dans certains écrits polémiques qui étaient assez étrangers à l'essentiel de ses analyses et de son raisonnement, Marx a, dans une formule rapide, fait reposer toute l'explication des sociétés de l'Antiquité sur la dialectique du maître et de l'esclave, établissant un rapport nécessaire entre les moyens de production propres à cette « phase » (le moulin à bras, comme il le dit symboliquement), les forces de production (la main-d'œuvre servile) et la superstructure juridique (la distinction dirimante et fondamentale entre le libre et le non-libre), la question de l'esclave antique a fait l'objet de vives controverses. Ce n'est pas cependant justifier l'esclavage, ni même récuser pour cette raison le marxisme en général, que de reconnaître qu'une explication aussi sommaire mérite d'être nuancée. Il faut essayer d'analyser dans ses détails tous les aspects qu'a pu prendre une institution comme l'esclavage pendant presque deux millénaires dans les pays de la Méditerranée, et se demander si cette forme particulière des rapports entre les hommes a revêtu, à tous les moments, la même importance dans les mécanismes économiques du monde antique.
Origine et développement
D'abord se pose une question de vocabulaire. Contrairement à ce que les textes élaborés par les juristes romains du iie ou du iiie siècle peuvent laisser croire, la conception de l'esclave-chose n'a jamais été la seule en vigueur, à aucun moment de l'histoire grecque ou romaine. C'est là plutôt une formulation relativement tardive, qui, au moment même où elle est énoncée (par Gaius, par exemple), connaît des restrictions, puisque les juristes romains s'efforcent d'octroyer quelques garanties juridiques à l'esclave, et surtout puisque, dès la fin du iiie et le début du ive siècle, renaissent, sur les grands domaines, d'autres types de demi-servitude ou de demi-liberté (le « colonat ») qui ne font que ressusciter, à plusieurs siècles de distance, des situations intermédiaires qui avaient été longtemps extrêmement courantes. Dès le départ, il faut distinguer deux formes d'esclavage concurrentielles. Il ne s'agit pas de l'opposition, admise par tous, entre un esclavage « domestique » ou « patriarcal », qui serait le propre des époques archaïques et dans lequel l'esclave, intégré à la famille, serait associé au culte et traité humainement, et un esclavage sur une grande échelle, « de plantation », dans lequel des masses serviles achetées sur le marché seraient utilisées au maximum de leur rendement, sous une forme militaire ou pénitentiaire, pour assurer au grand propriétaire (foncier le plus souvent, ou parfois d'entreprises minières, voire de gros ateliers) un profit maximal. Ces deux formes extrêmes ont bien existé – mais elles ont aussi et surtout coexisté. Il faut plutôt distinguer entre des non-libres absolus qui, vendus et achetés en masse sur des marchés spécialisés, donc le plus souvent étrangers au pays où ils échouent, sont, en fait comme en droit, la chose de leur maître, et des non-libres relatifs, qui, étant de la même race et usant de la même langue que les hommes libres, jouissent dans certains cas de droits civiques et même politiques mais non de tous. Dans le système étrusque, à côté des esclaves, il existait des sortes de serfs ou de clients qui pouvaient détenir quelques biens. Pour que Rome accorde à ces gens le droit de cité, il fallait, aux yeux du droit romain, d'abord les affranchir pour qu'ils pussent conserver leurs propriétés. Ce cas n'est pas isolé : les pénestes thessaliens, les hilotes lacédémoniens ne sont que les plus connus de ces hommes dont la situation était intermédiaire[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre BERTHE : maître assistant à l'École pratique des hautes études, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales
- Maurice LENGELLÉ : professeur à l'Institut d'étude et de développement économique et social, Paris
- Claude NICOLET : maître de conférences à la faculté des lettres et sciences humaines de Caen
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