ESCLAVES & AFFRANCHIS IMPÉRIAUX, Rome antique
Dans la société romaine, les esclaves et affranchis impériaux ne représentent pas seulement l'aristocratie de la population non libre ; ils se situent même parfois au-dessus des citoyens, souvent à côté d'eux et dans quelques cas en dessous.
Leur histoire se divise en deux périodes. La première correspond à une phase d'essor rapide, et elle commence naturellement avec l'œuvre d'Auguste. Trois circonstances expliquent cette ascension : d'abord, la mise en place d'une importante administration exigeait un nombreux personnel de fonctionnaires ; mais au moment de la naissance du nouveau régime, les sénateurs, les chevaliers et les plébéiens jouissaient encore d'une trop grande indépendance ; enfin, l'utilisation du travail servile n'avait rien que de très normal, et palliait cet inconvénient. Auguste utilisa d'abord ses esclaves et ses affranchis en tant que particulier, pour sa maison, sa trésorerie, son secrétariat, puis en tant que magistrat ou proconsul, en leur confiant notamment des charges de procurateurs. Il en fut remercié : le culte impérial connut de grands succès dans ce milieu (seuiri Augustales).
L'apogée de ce groupe social se situe sous Claude : l'empereur gouverne, mais ses affranchis administrent. Les noms de Pallas, Callixte, Polybe et Narcisse sont passés à la postérité. Ce choix délibéré permit au souverain de réduire l'influence des hommes libres. Les affranchis dirigent alors les bureaux palatins de Rome, sortes de « ministères » : la correspondance, les enquêtes, les requêtes, les archives et les comptes ; dans les provinces, ils veillent sur les biens impériaux et sur les finances, mais sous les ordres de chevaliers ; ils contrôlent en partie les recettes (impôts indirects) et la quasi-totalité des dépenses publiques (armée, aqueducs, blé) et privées (palais et évergétisme : travaux publics, spectacles, bibliothèques).
Du point de vue social, ils entrent dans le cadre général. Publics ou privés, les esclaves proviennent des mêmes sources (achat, naissance à la maison, capture à la guerre) ; les affranchissements se font suivant les mêmes modes (par rachat, acte de générosité ou testament). Les uns et les autres sont aussi soumis aux mêmes obligations, liens de propriété ou de patronat, et les liberti témoignent d'un égal dynamisme. Ils peuvent aussi fonder des familles, astreintes aux restrictions juridiques qu'impose leur statut. Mais le personnel impérial présente des caractères originaux. D'une part, ces fonctionnaires sont de plus en plus attachés à leurs charges et de moins en moins à leur maître ou patron, d'où une relative indépendance ; d'autre part, la proximité du pouvoir et le contact avec le prince leur confèrent un certain charisme qui les met à part dans la société : ils acquièrent la puissance et ils possèdent des richesses énormes, qu'ils s'efforcent d'accroître non sans avidité. Cependant, ils sont méprisés et haïs, en particulier par les sénateurs, également par les chevaliers qui les jalousent (Juvénal), et aussi par les plébéiens, souvent plus pauvres qu'eux. Certains interdits ont toujours pesé sur leur groupe : ils étaient exclus de certaines charges, en particulier des magistratures et des commandements militaires (ils n'ont pu entrer dans l'armée qu'au début de l'Empire, à des postes subalternes et dans les unités les moins prestigieuses, notamment les vigiles et la flotte).
L'hostilité des hommes libres finit par se faire sentir, au point que le pouvoir impérial dût en tenir compte ; il entreprit une conversion avec d'autant plus de facilité que les ordres supérieurs se conduisaient avec une soumission croissante. Dès les origines, certains postes avaient été occupés par des couples affranchi-chevalier, le premier étant naturellement subordonné[...]
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Écrit par
- Yann LE BOHEC : professeur à l'université de Grenoble
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