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ÉSOPE (env. 620-env. 560 av. J.-C.)

La vie d'Ésope est le sujet de légendes au milieu desquelles la vérité est devenue presque impossible à démêler. Samos et Sardes, Mésembrie en Thrace et Cotyéum en Phrygie prétendaient lui avoir donné le jour. On en fait l'esclave d'un habitant de Samos nommé Jadmon ou Xanthus. Il aurait été affranchi par son maître, aurait visité la cour de Crésus et assisterait au banquet des Sept Sages, chez Périandre, à Corinthe. D'après Plutarque, il serait chargé par Crésus de porter une précieuse offrande au temple de Delphes et de distribuer des présents aux Delphiens ; mais il n'aurait pas accompli jusqu'au bout sa mission, détestant cette population qu'il jugeait cupide, et il serait mort, précipité de la roche Hyampée, sous l'accusation d'avoir dérobé une coupe d'or consacrée à Apollon (Aristophane déjà faisait allusion à cette condamnation.) Cependant, une tradition postérieure le représente aux Thermopyles quatre-vingts ans plus tard. La Vie d'Ésope la plus répandue, qui fut retrouvée dans un manuscrit du xiiie siècle et attribuée à Maximos Planude, le représente accablé de difformités physiques dont les Anciens ne parlaient pas.

Ésope est probablement plutôt un conteur qu'un écrivain. Les fables que nous avons sous son nom n'ont pas été écrites par lui mais sont postérieures. D'autre part, sa réputation était si grande que toutes les fables déjà populaires, remontant à la plus haute antiquité, dont il circulait des rédactions en prose, lui ont été attribuées. Les cent quarante fables recueillies par Planude, écrites dans une prose assez sèche (on a cru longtemps qu'elles avaient été rédigées par des moines byzantins parce que les moralités semblaient tirées de l'Évangile), seront portées au nombre de deux cent quatre-vingt-dix-sept au xviie siècle, puis au nombre de quatre cent soixante-quatorze au xixe (cent quarante-neuf sont fournies par un manuscrit de Florence du xiiie s.).

Socrate dans sa prison mettait en vers celles qui lui restaient en mémoire. Ces fables « d'Ésope » seront même traduites en vers français par Gilles Corrozet (1542) et mises en quatrains par Bensérade (1678). Nous savons que La Fontaine s'en est fréquemment inspiré. Par ailleurs, c'est en l'honneur d'Ésope que les poètes du Moyen Âge baptisent « Ysopet » leurs recueils de fables.

En fait, ces petits récits, où les animaux donnent des leçons aux hommes, sont issus de la tradition orale : ils ont dû longtemps se transmettre par la bouche des aïeules et des nourrices. Le peuple grec du vie siècle, déjà soucieux de morale pratique, souhaite alors les voir fixés par l'écriture. À la même période circulent des maximes qu'on attribue, d'une manière analogue, aux Sept Sages.

— Dominique RICHARD

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