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ÉSOTÉRISME

L'adverbe grec ἔισω signifie « au-dedans » : l' enseignement ésotérique (on disait aussi « acroamatique ») d'un philosophe était celui qu'il réservait à ses disciples, les leçons exotériques au contraire se trouvant suivies par un auditoire plus nombreux et varié. L'adjectif « ésotérique » s'associait ainsi à la notion de savoir « réservé », apanage d'un cercle auquel l'accès demeurait subordonné à la décision du maître. D'où l'étymologie, hardie certes, mais sans doute digne de méditation, proposée par Jean Marquès-Rivière : « Le mot ésotérisme vient du grec έισωθ́εω (eisôthéô, je fais entrer). » Si nombre de philosophes grecs donnaient (ce fut le cas d'Aristote) des cours réservés sans pour cela se poser en instructeurs occultes ou en maîtres spirituels, il est indéniable que l'adjectif « ésotérique » et le nom « ésotérisme » ont tendu, irrésistiblement, à s'associer étroitement à l'idée de secret au sens d'« occulte » que peut prendre l'épithète. Le néo-platonicien Plutarque, dans son traité Isis et Osiris, écrivait, entérinant un usage verbal qui lui était déjà bien antérieur (chez les pythagoriciens notamment) : « Il existe une doctrine qui se rattache à la plus haute antiquité et qui, des fondateurs de connaissances sacrées et des législateurs, est descendue jusqu'aux poètes et jusqu'aux philosophes. » Ce passage pourrait être repris de nos jours à peu près tel quel pour désigner avec précision ce qu'on entend par ésotérisme : il s'agirait d'enseignements secrets tenus pour immémoriaux et qui – demeurant toujours les mêmes à travers les adaptations historiques successives – se seraient transmis d'âge en âge, par chaînes de maîtres et de disciples. Il s'agirait donc bel et bien, selon les théoriciens et adeptes de cet ésotérisme traditionnel, d'un ensemble cohérent bien structuré, formant un édifice imposant de vérités fondamentales qui, aujourd'hui encore, s'offriraient à une redécouverte par ceux qui en sont dignes.

Après avoir clarifié cette notion d'ésotérisme, on tentera de mettre en valeur les quelques attitudes majeures de la « métaphysique traditionnelle », fort clairement précisée par René Guénon et ses disciples.

La vraie nature de l'ésotérisme

Le secret

C'est l'idée de secret qui frappe évidemment tout de suite l'homme se penchant sur l'ésotérisme. Le gnostique chrétien Basilide proclamait au iie siècle de notre ère, en une formule frappante rapportée par saint Irénée (Adversus haereses, i, 24, 6) : « Bien peu de gens peuvent posséder cette connaissance, un entre mille, deux entre dix mille. » Les Upanishad de l'Inde brahmanique se qualifiaient elles-mêmes, bien auparavant, de « textes de la Doctrine secrète ». Selon le Zohar (le traité des kabbalistes juifs du Moyen Âge, traduit par Jean de Pauly), « Rabbi Siméon commença alors à parler ainsi : Le traître révèle les secrets, mais celui qui a la fidélité dans le cœur garde avec soin la parole qui lui a été confiée (Proverbes, xi, 13) [...] Le monde ne subsiste que par le secret. Si le secret est nécessaire dans les choses profanes, à plus forte raison est-il nécessaire dans le mystère des mystères de l'Ancien des temps qui n'est pas même confié aux anges supérieurs. Rabbi Siméon dit en outre : Je n'invite pas les cieux à venir m'écouter, ni la terre à m'entendre, à l'exemple de Moïse, car nous sommes les sentiers du monde [...] Heureux votre sort, ô justes, à qui le mystère des mystères est révélé, alors qu'il ne l'est pas même aux saints supérieurs. » Capitale est ici l'idée d'une transmission, d'une tradition, au sens étymologique[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, diplômé de l'École pratique des hautes études

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Le pharaon devant Haoëris - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

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